La contrefaçon ne se limite pas à un différend civil ; elle constitue un délit pénal lourdement sanctionné. Amendes, prison, fermeture d’établissement : la loi française brandit un arsenal répressif dissuasif. Découvrons, dans un langage clair, les peines encourues lorsque l’on viole des droits d’auteur, de marques ou de dessins et modèles.
D’abord, il convient de rappeler que la contrefaçon relève du tribunal correctionnel. Les articles L. 335-2 (droit d’auteur) et L. 521-10 (dessins et modèles) du Code de la propriété intellectuelle fixent la peine de base : trois ans d’emprisonnement et 300 000 € d’amende. Cette double peine reflète la gravité d’un acte qui menace la création, l’emploi et la compétitivité. Le législateur a durci la réponse en 2004 puis en 2007, face à la montée d’une économie parallèle estimée à 5 % du commerce mondial. Ces chiffres, relayés par l’EUIPO, se traduisent pour l’Union européenne par 83 milliards d’euros de pertes et 790 000 emplois sacrifiés chaque année. La France est, juste derrière les États-Unis, la principale victime.
Ensuite, la récidive double automatiquement les peines : jusqu’à six ans de prison et 600 000 € d’amende. L’objectif est clair : dissuader ceux qui feraient de la fraude un modèle d’affaires.
En outre, lorsque les faits sont commis en bande organisée, via un site en ligne ou portent sur des produits dangereux pour la santé ou la sécurité, le plafond grimpe à sept ans d’emprisonnement et 750 000 € d’amende. Ce quantum traduit la volonté de cibler les réseaux structurés qui diffusent des contrefaçons de médicaments, de jouets ou d’équipements électriques susceptibles de mettre des vies en péril.
2) Les circonstances aggravantes qui font basculer la balance
Plusieurs situations aggravent encore la sanction.
- Premièrement, la récidive légale : si le prévenu a déjà été condamné pour contrefaçon (ou un délit assimilé) dans les cinq années précédentes, le juge doit appliquer le doublement prévu.
- Deuxièmement, l’abus de confiance d’un salarié ou d’un sous-traitant. Lorsqu’un ancien collaborateur contrefait l’œuvre de son employeur ou détourne un fichier 3D réalisé dans le cadre de ses fonctions, la loi l’assimile à un récidiviste, même s’il était vierge jusque-là.
- Troisièmement, la bande organisée. Ce terme ne vise pas seulement les mafias internationales ; il suffit d’un groupement structuré élaborant un plan pour produire, transporter ou vendre des copies illicites. La justice peut alors retenir la circonstance de bande organisée et appliquer le maximum de sept ans.
- Quatrièmement, la mise en danger de la santé. Vendre des airbags non conformes, des cosmétiques frelatés ou des pièces mécaniques défectueuses expose à une répression renforcée.
Cependant, le juge garde un pouvoir d’individualisation. Il examinera la gravité objective des faits, le rôle de chaque prévenu et le préjudice culturel ou sanitaire. Enfin, il tiendra compte de l’ampleur commerciale : quelques unités écoulées sur une plate-forme de seconde main ne sont pas jugées de la même façon qu’un container saisi au port du Havre.
3)La responsabilité pénale des entreprises : l’amende peut devenir colossale
Toutefois, la sanction ne frappe pas seulement les individus. Depuis 1994, l’article 121-2 du Code pénal permet de condamner une personne morale pour les délits commis, « pour son compte », par ses organes ou représentants. En matière de contrefaçon, les articles L. 335-8 et L. 521-12 transposent ce principe. Concrètement, si un directeur marketing lance sciemment une collection de sacs copiés sur un modèle protégé, la société peut être poursuivie en même temps. Le montant de l’amende est alors multiplié par cinq par rapport au plafond prévu pour une personne physique : jusqu’à 3 750 000 € en cas de bande organisée. La dissolution, l’interdiction d’exercer l’activité incriminée pour une durée maximale de cinq ans, le placement sous surveillance judiciaire ou la fermeture temporaire d’un établissement complètent le tableau.
En pratique, la Cour de cassation exige que les juges identifient l’organe ou le représentant qui a agi. Il ne suffit pas de dire que « l’entreprise a bénéficié » du délit ; il faut démontrer qu’un dirigeant ou un salarié habilité a pris la décision. Cette rigueur protège les sociétés vertueuses et cible celles qui intègrent la fraude dans leur stratégie.
4) Peines complémentaires : fermeture, interdiction et publicité du jugement
Enfin, la loi prévoit des peines complémentaires très concrètes. Le tribunal peut ordonner la fermeture définitive ou temporaire – cinq ans au plus – de l’atelier, du magasin ou du site ayant servi à la contrefaçon. Cette sanction ne doit pas sacrifier les salariés : en cas de fermeture temporaire, leurs contrats continuent ; en cas de fermeture définitive, ils reçoivent des indemnités doublées, et l’employeur qui ne les verse pas risque six mois de prison.
Le juge peut également interdire à un commerçant condamné de siéger dans une chambre de commerce ou de voter aux prud’hommes pendant la même durée.
Par ailleurs, l’article L. 335-6 permet d’ordonner l’affichage du jugement sur la devanture du point de vente, son insertion dans la presse ou sa diffusion en ligne, aux frais du condamné. Cette publicité est désormais qualifiée de peine. Elle vise à alerter les consommateurs et à protéger la réputation des ayants droit. Dans la pratique numérique, la décision peut être publiée en première page d’un site marchand avec une durée et une taille de police imposées par le juge. Toutes ces peines complémentaires se cumulent avec les sanctions principales. Elle s’ajoutent également à la suppression des contenus litigieux et à la destruction des stocks illicites.
Conclusion
En résumé, la contrefaçon engage la responsabilité pénale de ses auteurs sous quatre angles :
- peine principale d’amende et d’emprisonnement,
- circonstances aggravantes qui doublent ou triplent le risque,
- responsabilité des personnes morales,
- peines complémentaires visibles.
Pour réduire l’exposition, une entreprise doit contrôler sa chaîne d’approvisionnement, former ses équipes et réagir vite en cas d’alerte. Un audit régulier des créations et des licences limite la surprise d’une procédure pénale.
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RESSOURCES :
- Code de la propriété intellectuelle, articles L. 335-2 à L. 335-9 et L. 521-8 à L. 521-13
- Cour de cassation, chambre criminelle, 1er avril 2014, n° 12-86.501
- Loi n° 2004-204 du 10 mars 2004 « contrefaçon »
- Rapport EUIPO : « Les coûts économiques de la contrefaçon dans l’UE », 2024
- Article Deshoulières Avocats : « Comment réagir face à une contrefaçon ? »