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Le masque Easybreath garde son souffle juridique : le Tribunal de l’UE valide le dessin et modèle de Decathlon

par | 19 Juin 2025 | Propriété intellectuelle

Le 4 juin 2025, le Tribunal de l’Union européenne (aff. T-1061/23) a confirmé la validité du dessin et modèle communautaire protégeant le masque subaquatique Easybreath de Decathlon. Contesté par la société allemande Delta-Sport, le modèle survit à deux attaques : l’une fondée sur la « fonction technique » – qui, si elle était exclusive, priverait le design de protection – et l’autre sur l’absence prétendue de « caractère individuel ». Décryptage d’un arrêt qui clarifie la frontière entre innovation fonctionnelle et expression visuelle, tout en rappelant quelques réflexes essentiels aux designers, distributeurs et start-up.

1. Un masque iconique sous l’eau… et devant les juges

Lancé en 2013, le masque Easybreath a bouleversé la pratique du snorkeling : grand écran panoramique, respiration naturelle par le nez, tuba intégré. Son succès commercial a logiquement attiré les copies. Estimant que le modèle de Decathlon ne devait pas être protégé – parce qu’« entièrement dicté » par des impératifs techniques et dépourvu d’originalité visuelle – la société Delta-Sport a saisi l’EUIPO pour obtenir la nullité du dessin et modèle. Première victoire pour Decathlon devant la chambre de recours de l’Office ; puis deuxième victoire devant le Tribunal, qui signe aujourd’hui la décision la plus détaillée sur le sujet depuis l’arrêt Tinnus (2020).


2. Fonction technique : où s’arrête la mécanique, où commence la création ?

Le droit de dessin et modèle protège l’apparence d’un produit, à condition que celle-ci ne soit pas exclusivement imposée par sa fonction technique (art. 8, §1, règlement 6/2002). Pourquoi ? Offrir un monopole sur une forme uniquement « utile » priverait le marché des solutions équivalentes.

Le Tribunal procède en trois étapes :

  1. Identifier la fonction technique du masque (assurer la respiration et la vision sous l’eau).
  2. Lister les caractéristiques visuelles : cadre ovale, sangle en « X », goutte inversée autour du visage, lignes arrondies, etc.
  3. Vérifier si chacune est la seule manière d’atteindre la fonction.

Résultat : deux éléments clefs – la forme ovale du cadre et la sangle arrière en « X » – ne sont pas imposés par la technique. D’autres géométries (triangles, carrés, sangles larges) pourraient remplir la même mission. Ces choix traduisent donc une intention esthétique, suffisante pour sauver le design.


3. Caractère individuel : des détails qui font la différence

Deuxième front du litige : le masque Easybreath manquerait de « caractère individuel ». Autrement dit, l’impression d’ensemble qu’il produit sur « l’utilisateur averti » ne serait pas suffisamment différente de celle d’un brevet français antérieur. Le Tribunal rejette l’argument :

  • Cadre plus arrondi et aplati chez Decathlon ;
  • Sangle en “X” reliée au milieu, contrastant avec la large bande couvrant les oreilles du modèle antérieur ;
  • Forme spécifique du capuchon de tuba, encoche au niveau du nez, jupe intérieure distincte.

Parce que ces différences portent sur des parties très visibles lors de l’usage, elles influencent bel et bien la perception globale. Le modèle Decathlon conserve donc son caractère individuel, condition clé de validité.



4. Ce qu’il faut retenir

En confirmant la protection du masque Easybreath, le Tribunal de l’UE rappelle que la fonctionnalité n’étouffe pas forcément la créativité. Dès lors qu’il existe des solutions techniques alternatives, les designers peuvent revendiquer la forme retenue, fût-elle ergonomique.

Pour le secteur du sport et des loisirs, où l’ingénierie rencontre l’image de marque, l’arrêt trace une ligne claire : valorisez vos choix visuels et ne bradez pas vos modèles à la seule logique du brevet. Quant aux distributeurs tentés par la copie « quasi identique », ils savent désormais que la route est semée d’écueils juridiques – et qu’un design astucieux, même inspiré par la performance, peut rester un actif exclusif.

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