Réserver un nom de domaine peut se retourner contre vous si un concurrent exploite une adresse proche de votre marque. Dans ce cas, le tribunal judiciaire de Paris, compétent pour la propriété intellectuelle, offre un cadre solide pour faire cesser l’atteinte et récupérer le nom litigieux. Découvrez pourquoi, quand et comment saisir ce juge spécialisé pour protéger vos actifs numériques.
1. Pourquoi le tribunal judiciaire de Paris est‐il compétent ?
Depuis la réforme de 2020, le tribunal judiciaire de Paris possède une compétence exclusive pour les litiges en matière de marques et, par extension, pour les actions fondées sur un nom de domaine lorsque l’atteinte invoque la contrefaçon ou la concurrence déloyale.
Cette compétence découle du regroupement des anciennes chambres spécialisées du Tribunal de grande instance de Paris en une juridiction unique, garante d’une jurisprudence homogène et experte. La jurisprudence antérieure, déjà centrée sur Paris, l’avait préparé : de nombreux jugements ont condamné des réservataires malveillants pour contrefaçon ou parasitisme .
En outre, le tribunal applique également les règles de compétence délictuelle : le demandeur peut agir soit au domicile du défendeur, soit au lieu du dommage (le territoire français dès lors que le site est accessible depuis la France). Dans la pratique, Paris demeure le choix privilégié car les juges y traitent la majorité des litiges « tribunal judiciaire nom de domaine » et connaissent la technique du DNS (Domain Name System).
2. Quels fondements et quelles conditions pour agir ?
L’action principale se fonde sur les articles L. 713‑2 et L. 713‑3 du Code de la propriété intellectuelle. Ces articles sanctionnent l’usage d’un signe identique ou similaire pour des produits ou services identiques ou similaires. Lorsque la marque est renommée, l’article L. 713‑5 élargit encore la protection, même hors spécialité.
En parallèle, l’action en concurrence déloyale repose sur l’article 1240 du Code civil. Elle sanctionne le parasitisme ou la désorganisation du marché, par exemple lorsque le radical du nom de domaine est purement descriptif mais exploité pour détourner la clientèle .
Ainsi, pour être recevable, le demandeur doit démontrer :
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un droit antérieur (marque, dénomination sociale, nom commercial, voire nom patronymique) ;
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un risque de confusion ou une atteinte à la distinctivité ;
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sa propre exploitation effective ou à tout le moins un projet sérieux.
Aucun délai de prescription spécial n’existe ; on applique la prescription de droit commun (cinq ans), mais en pratique il faut agir rapidement pour éviter la consolidation de la mauvaise foi.
3. Comment se déroule la procédure devant le tribunal judiciaire de Paris ?
La procédure débute par une assignation rédigée par avocat et signifiée au réservataire et à son bureau d’enregistrement. Le demandeur peut, en urgence, saisir le juge des référés pour obtenir :
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le gel du nom litigieux ;
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l’interdiction provisoire d’usage ;
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la suppression des pages parking génératrices de revenus.
Au fond, le tribunal ordonne fréquemment le transfert du nom de domaine, en plus de dommages‑intérêts et de la publication de la décision. Dans l’affaire Vente‑privée, les juges ont ainsi sanctionné plusieurs noms de domaine typosquattant la marque et ordonné leur transfert.
La preuve repose sur :
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la marque (certificat INPI ou EUIPO),
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les captures d’écran (horodatées),
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les historiques WHOIS attestant de la date de réservation,
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les statistiques de trafic montrant le détournement d’internautes.
Une fois le jugement rendu, le greffe peut demander à l’Afnic ou au registrar étranger d’exécuter la mesure de transfert ; en cas de résistance, l’astreinte financière accélère souvent la procédure.
4. Alternatives : Syreli, UDRP, ADR .eu… et articulation avec le tribunal
Avant de saisir le tribunal judiciaire de Paris, il est parfois judicieux de tenter une procédure alternative de résolution des litiges (ADR) :
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Syreli pour les “.fr” : décision sous deux mois, frais réduits, sanctions limitées à la radiation ou au transfert.
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UDRP de l’OMPI pour les gTLD “.com”, “.net”, etc.
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ADR .eu administrée par la Cour d’arbitrage tchèque pour les “.eu”.
Ces procédures sont rapides, intégralement en ligne et moins coûteuses. Mais elles n’allouent jamais de dommages‑intérêts et ne règlent pas toujours les questions de concurrence déloyale. En outre, chacune prévoit qu’une partie peut ensuite porter l’affaire devant « un tribunal compétent » (règle 4(k) UDRP, article L. 45‑6 CPCE). Ainsi, le juge parisien reste l’arbitre ultime, notamment si la partie perdante refuse d’exécuter la décision ADR ou si vous souhaitez obtenir une indemnisation.
En pratique :
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choisissez l’ADR pour les cas simples de cybersquattage sans enjeu financier majeur ;
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préférez la voie judiciaire quand la perte de chiffre d’affaires, l’atteinte à l’image ou la mauvaise foi caractérisée nécessitent des mesures coercitives et des dommages‑intérêts.
Conclusion
Le tribunal judiciaire de Paris offre une réponse robuste aux atteintes par nom de domaine : compétence spécialisée, sanctions fortes, jurisprudence abondante. Avant d’intenter l’action, vérifiez la nature de votre droit antérieur et la stratégie la plus efficace : procédure Syreli, UDRP ou assignation directe. Dans le doute, faites‑vous accompagner pour gagner en réactivité et en efficacité.
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RESSOURCES :
- Code de la propriété intellectuelle, art. L. 713‑2 s. (Légifrance)
- Afnic – Guide ADR
- Code de procédure civile, art. 42 et 46
- Code des postes et communications électroniques, art. L. 45‑2 et L. 45‑6
- Deshoulières Avocats, » Litige de nom de domaine : comment agir ? «