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Nullité de la marque européenne GPT-3 : ce que l’EUIPO reproche à OpenAI

par | 26 Nov 2025 | Droit des marques

L’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) a annulé, le 17 octobre 2025, la marque européenne GPT-3 déposée par OpenAI. Motif : le signe est descriptif de la technologie d’« Generative Pre-trained Transformer » et ne permet pas d’identifier l’origine commerciale des logiciels et services d’IA visés. Cette décision, qui s’inscrit dans une série de quatre annulations visant les marques GPT, GPT-3, GPT-4 et GPT-5, envoie un signal fort aux acteurs de l’intelligence artificielle : on ne peut pas transformer un terme technique devenu générique en monopole de marque.

1. GPT-3, quand le nom du modèle devient une marque

GPT-3 est le nom du modèle de langage emblématique développé par OpenAI, basé sur l’architecture dite de Generative Pre-trained Transformer (transformeur génératif pré-entraîné). Ce type de modèle, capable de générer du texte de manière autonome, est désormais au cœur de nombreuses applications d’IA : assistants conversationnels, outils de rédaction, génération de code, etc.

Pour protéger ce nom, OpenAI a déposé une marque verbale GPT-3 auprès de l’EUIPO pour des logiciels et services en ligne liés à l’IA, notamment en classes 9 et 42 (programmes informatiques, logiciels SaaS, services de recherche et développement en intelligence artificielle…). La marque bénéficiait d’une priorité remontant à un dépôt antérieur en 2020, c’est-à-dire à une époque où GPT-3 faisait déjà beaucoup parler de lui dans le monde de la tech.

En 2024, la société Century Tal Holding Pte. Ltd., qui développe notamment le projet « MathGPT » et a elle-même déposé la marque MathGPT pour des logiciels et services éducatifs d’IA, a demandé l’annulation de GPT-3. Selon elle, GPT-3 ne serait qu’un sigle technique décrivant une technologie utilisée par de nombreux acteurs, et non un signe permettant d’identifier les produits d’OpenAI.

L’EUIPO lui a donné raison en octobre 2025 : la marque GPT-3 est déclarée nulle pour l’ensemble des logiciels et services qu’elle désigne.


2. Pourquoi l’EUIPO considère que « GPT-3 » est descriptif

Pour comprendre la décision, il faut revenir aux règles de base du droit des marques de l’UE :

  • une marque doit être distinctive, c’est-à-dire permettre au public de reconnaître l’origine commerciale d’un produit ou d’un service ;
  • elle ne doit pas être purement descriptive des produits ou services visés (par exemple, « ORDINATEUR PORTABLE » pour des laptops ne pourrait pas être réservé par une seule entreprise). Ces interdictions figurent à l’article 7, §1, b) et c) du règlement sur la marque de l’Union européenne.

a/ GPT, un sigle devenu terme technique générique

Dans la procédure d’annulation, la société demanderesse a produit de nombreux éléments montrant que le sigle GPT était, déjà avant la date de priorité de la marque, utilisé comme abréviation de Generative Pre-trained Transformer pour désigner une catégorie de modèles d’IA, et non uniquement les produits d’OpenAI :

  • définitions dans des dictionnaires en ligne (notamment le Cambridge Dictionary) ;
  • articles Wikipédia expliquant que les « GPT » sont un type de large language model (LLM) ;
  • articles scientifiques et techniques utilisant GPT pour parler de cette architecture de modèle de langage en général.

L’EUIPO en tire la conclusion suivante : avant 4 août 2020, date de priorité de la marque GPT-3, le public pertinent (principalement les professionnels et utilisateurs avertis de logiciels d’IA) connaissait déjà le sigle GPT comme abréviation descriptive de cette technologie.

b/ Le « 3 » n’apporte pas de caractère distinctif

OpenAI soutenait que la combinaison GPT-3, et non GPT seul, devait être analysée, et que l’ajout du chiffre « 3 » créait une impression globale distinctive.

L’EUIPO rejette cet argument : pour elle, le chiffre 3 sera simplement perçu comme le numéro de version ou de génération d’un système GPT, de la même façon que l’on parle de « version 3 » d’un logiciel. L’ensemble GPT-3 sera donc compris comme « troisième génération d’un système d’IA de type Generative Pre-trained Transformer ».

Résultat :

  • GPT décrit la technologie utilisée,
  • le « 3 » renvoie à la version du modèle,
  • l’ensemble GPT-3 décrit directement la nature et les caractéristiques des logiciels et services d’IA couverts.

Le signe est donc à la fois descriptif et dépourvu de caractère distinctif et ne peut pas, en l’état, bénéficier d’un monopole de marque.


3. Une décision qui s’inscrit dans un quadruple revers pour OpenAI

La décision relative à GPT-3 n’est pas isolée. Le même jour, le 17 octobre 2025, l’EUIPO a rendu quatre décisions distinctes visant les marques GPT, GPT-3, GPT-4 et GPT-5, toutes détenues par OpenAI pour des produits et services d’IA.

Dans trois cas (GPT, GPT-3, GPT-4), l’Office prononce la nullité totale des marques. Dans le cas de GPT-5, il ne retient qu’une nullité partielle : la marque est jugée descriptive pour les logiciels et services d’IA, mais conserve une protection pour certains produits physiques éloignés (par exemple du matériel électronique grand public) pour lesquels GPT-5 n’évoque pas directement une technologie d’IA.

Ces décisions confirment plusieurs points importants :

  1. GPT est désormais perçu comme un terme technique générique décrivant un type de modèle d’IA, utilisé par de nombreux acteurs du secteur et non réservé à OpenAI.
  2. L’ajout d’un numéro (3, 4, 5) sera compris comme un simple indicateur de version et non comme un élément fantaisiste suffisante pour rendre le signe distinctif.
  3. L’EUIPO laisse la porte ouverte à un éventuel caractère distinctif acquis par l’usage (article 7 §3 du règlement) mais ce point ne sera examiné que si les décisions deviennent définitives, à l’issue d’éventuels recours.

En pratique, cela signifie que, pour le moment, aucun acteur ne peut revendiquer l’exclusivité de GPT-3 comme marque en Europe pour des solutions d’IA correspondant à cette technologie.

A retenir :

En résumé, la nullité de GPT-3 rappelle une règle simple mais essentielle : une bonne marque n’est pas une fiche technique. Pour sécuriser vos investissements en intelligence artificielle, le choix du nom doit être pensé en amont, comme un véritable actif juridique, et non comme la simple description de la technologie utilisée. Un accompagnement spécialisé permet de vérifier la disponibilité d’un signe, d’anticiper les risques de nullité et de bâtir une stratégie de marque cohérente à l’échelle européenne et internationale.

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