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Le Conseil d’État saisi d’un recours pour l’autodétermination des personnes transgenres

par | 12 Mar 2024 | Droits de l'homme

Communiqué de presse – Paris, 12/03/2024

Un collectif d’associations LGBT+ et de personnes transgenres et non binaires forme aujourd’hui un recours devant le Conseil d’État. Revendiquant le droit de définir librement son identité de genre, il demande l’annulation de deux circulaires de 2017 relatives au changement de prénom et de mention de sexe à l’état civil.

TÉLÉCHARGER LA REQUÊTE DEVANT LE CONSEIL D’ETAT [1]

Stérilisation forcée des personnes transgenres

Avant 1992, la France refusait toute modification de la mention de sexe à l’état civil. Cette position, qui revenait à nier l’existence des personnes transgenres, a fait l’objet d’une première condamnation de la France en 1992 par la Cour européenne des droits de l’homme. Selon les juges européens, le refus de modifier l’état civil plaçait les personnes transgenres « dans une situation globale incompatible avec le respect dû à la vie privée »[2].

Fin 1992, l’État français a revu sa position en permettant aux personnes transgenres de modifier la mention de sexe à l’état civil. La jurisprudence de la Cour de cassation imposait alors de prouver « le caractère irréversible de la transformation de l’apparence »[3]. Cette condition contraignait dans les faits les personnes transgenres à suivre des traitements médicaux stérilisants. Cette stérilisation forcée des personnes transgenres a fait l’objet d’une seconde condamnation de la France en 2017 par la Cour européenne des droits de l’homme pour violation de la vie privée[4]

Fin de l’obligation de stérilisation

Afin de se conformer au droit européen, la France a dû à nouveau s’adapter pour supprimer la condition d’irréversibilité de la transformation de l’apparence. La loi du 18 novembre 2016 a introduit un nouvel article 61-5 dans le Code civil, selon lequel « Toute personne majeure ou mineure émancipée qui démontre par une réunion de faits que la mention relative à son sexe dans les actes de l’état civil ne correspond pas à celui dans lequel elle se présente et dans lequel elle est connue peut en obtenir la modification. Les principaux de ces faits, dont la preuve peut être rapportée par tous moyens, peuvent être : 1° Qu’elle se présente publiquement comme appartenant au sexe revendiqué ; 2° Qu’elle est connue sous le sexe revendiqué de son entourage familial, amical ou professionnel ; 3° Qu’elle a obtenu le changement de son prénom afin qu’il corresponde au sexe revendiqué. » L’article 61-6 du Code civil prend le soin de préciser que « le fait de ne pas avoir subi des traitements médicaux, une opération chirurgicale ou une stérilisation ne peut motiver le refus de faire droit à la demande. ».

Désormais, les personnes transgenres n’ont plus à démontrer une stérilisation pour obtenir le changement de la mention de sexe à l’état civil. La loi française de 2016 impose de démontrer que le sexe mentionné à l’état civil ne correspond pas 1/ à l’identité de genre et 2/ à l’expression de genre[5].

De l’obligation de stérilisation à l’obligation de passing

Deux circulaires sont venues préciser la loi, notamment pour éclairer les mairies sur le changement du prénom et le changement de la mention de sexe à l’état civil des personnes transgenres. Dans les faits, ces circulaires substituent à l’obligation de stérilisation une obligation de passing, c’est-à-dire l’obligatoire de se présenter devant le tribunal sous l’apparence du genre opposé à celui mentionné à l’origine sur l’acte de naissance. Les personnes transgenres sont ainsi contraintes de subir des traitements hormonaux, parfois non souhaités, afin de pouvoir changer les mentions de sexes à l’état civil.

Les associations et personnes concernées dénoncent deux atteintes à leurs droits fondamentaux :

  • Atteinte au droit au respect de la vie privée : ce droit fondamental comprend le droit à l’autodétermination, qui consiste à pouvoir définir soi-même son identité de genre, sans ingérence de l’État. En matière de changement de la mention de sexe à l’état civil, ce droit implique de reconnaître le principe d’autodéclaration, permettant à chacun de pouvoir changement sa mention de sexe sur simple déclaration, sans avoir notamment à démontrer un passing. 
  • Discrimination en raison de l’apparente physique : Certaines personnes dont l’apparence physique ne répond pas aux stéréotypes de genre se voient encore aujourd’hui refuser le changement de leur mention sexe par les tribunaux. L’obligation de passing constitue une discrimination contre les personnes qui ne conformerait pas leur apparence physique, leur voix, leur style vestimentaire, leur comportement, leur centre d’intérêt aux normes binaires femme/homme. L’État devient ainsi l’arbitre de l’apparence et de l’identité sociale, imposant des critères stricts pour être reconnu comme homme ou femme. De plus, les personnes non-binaires sont exclues de ce processus, leur légitimité étant ignorée par la loi actuelle.

Recours devant le Conseil d’État

Ce mardi 12 mars 2024, un collectif de 7 associations, dont Mousse, Stop Homophobie, Adheos et Acceptess’T et de 7 personnes physiques transgenres et non binaires dépose un recours devant le Conseil d’État pour demander l’annulation des circulaires du 17 février et 10 mai 2017 qui concernant le changement de prénom et de mention de sexe à l’état civil.

Nathan Kuentz, juriste de Stop Homophobie, déclare : « Nous demandons l’autodétermination du genre. L’État n’a pas à être le tenancier des identités et des expressions de genre. Il n’a pas à déterminer le destin social des individus sur des bases biologiques. Il n’a pas à être le juge de ce que doit être une femme ou un homme. Il n’a pas à délégitimer les identités de genre ne s’inscrivant pas dans le cadre femme/homme. D’autres pays ont pleinement adopté le modèle autodéclaratif dans ce domaine sans que le ciel s’effondre. Il est l’heure pour la France de faire partie de cette avant-garde de pays ouvrant la voie sur ce sujet.»

Selon Étienne Deshoulières, avocat des requérants.es : « L’État ne doit s’ingérer dans la vie privée des personnes, en s’arrogeant le droit de déterminer leur identité de genre. Le droit à l’autodétermination reconnu par le droit européen impose à la France de reconnaître le principe d’autodéclaration en matière d’état civil. »


[1] La requête devant le Conseil d’État a été rédigée par Nathan Kuentz, juriste de Stop Homophobie, sous la direction d’Étienne Deshoulières, avocat au barreau de Paris

[2] CEDH, 25 mars 1992, B. c/ France, n° 13343/87

[3] Ass. Plé, 11 décembre 1992 ; Civ. 1ère, 7 juin 2012 et 13 février 2013

[4] CEDH, 6 avril 2017, Garçon et Nicot c/ France requêtes nos 52471/13 et 52596/13 : « Conditionner la reconnaissance de l’identité sexuelle des personnes transgenres à la réalisation d’une opération ou d’un traitement stérilisants — ou qui produit très probablement un effet de cette nature — qu’elles ne souhaitent pas subir, revient ainsi à conditionner le plein exercice de leur droit au respect de leur vie privée que consacre l’article 8 de la Convention à la renonciation au plein exercice de leur droit au respect de leur intégrité physique que garantit non seulement cette disposition, mais aussi l’article 3 de la Convention. »

[5] La loi de 2016 utilise un vocabulaire qui reflète une manière dépassée d’appréhender la question trans. Pour désigner l’identité de genre, la loi utilise les termes « sexe dans lequel la personne se présente » et pour désigner l’expression de genre la loi emploie les termes « sexe dans lequel la personne est connue ».

***

Contact presse :
Étienne Deshoulières, avocat au barreau de Paris
0177628203, www.deshoulieres-avocats.com
contact@deshoulieres-avocats.com  

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