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Marques sportives : protéger l’aura des grands événements

Le sport passionne, les marques aussi Chaque compétition majeure crée un récit collectif. Ses noms, logos et slogans suscitent une adhésion immédiate qu’entreprises et supporters souhaitent partager. Pourtant, exploiter ces signes sans précaution peut entraîner contrefaçon, parasitisme ou perte de valeur. Cet article explique, pas à pas, comment le droit de la propriété intellectuelle encadre les « marques sportives », des simples clubs aux Jeux Olympiques.

Marques sportives : protéger l’aura des grands événements

Rappelons la base : une marque est un signe enregistré qui distingue des produits ou services. Elle naît du dépôt à l’INPI, à l’EUIPO ou via l’OMPI. Elle confère un monopole potentiellement illimité, soumis au renouvellement tous les dix ans et limité par le principe de spécialité.

Cependant, lorsqu’un label vise un événement sportif, la logique change. Le public rattache spontanément le signe à la compétition, avant même de songer aux produits mentionnés dans le registre. Résultat : la frontière ordinaire entre catégories s’estompe. Personne n’est surpris de voir la Coupe du monde associée à des cartes bancaires ou un marathon à des céréales. La fonction de publicité, reconnue par la Cour de justice, prend le pas sur la fonction d’origine ; la marque devient vecteur d’émotion plus que repère de provenance.

Cette attractivité soulève deux enjeux.

  • Premièrement, la distinctivité. Un signe composé de « ville + année » ou d’une mention générique comme « Championnat d’Europe » risque fort d’être jugé descriptif, donc non protégeable, sauf si l’usage massif lui donne un second souffle.
  • Deuxièmement, la titularité. Depuis la loi de 2003, l’association fondatrice n’est plus propriétaire automatique ; la société commerciale du club peut déposer la marque à condition de laisser l’association en user à titre gratuit. Là encore, mieux vaut clarifier les accords internes avant toute exploitation.

2) Protéger son événement : droit commun et dispositifs spéciaux des marques sportives

Puis, place aux outils. Le droit commun offre un bouclier classique : opposition, action en nullité, contrefaçon, déchéance. Le détenteur surveille les registres, bloque les dépôts trop proches et attaque les imitateurs. Pour les signes puissants, la renommée offre même une protection hors spécialité ; le Tour de France ou Roland-Garros peuvent ainsi interdire l’usage de leur nom sur des services sans lien direct avec le cyclisme ou le tennis.

Cependant, certains événements bénéficient d’un régime renforcé. Les propriétés olympiques et paralympiques – anneaux, agitos, sigle « JO », devise « Plus vite, plus haut, plus fort – Ensemble », millésime « Paris 2024 »… – sont des « marques légales ». L’article L.141-5 et son pendant L.141-7 du Code du sport prohibent toute reproduction ou dépôt, sans se soucier de distinctivité ou de spécialité. Mêmes sanctions que la contrefaçon, sans discussion. Entre 2019 et 2024, le comité d’organisation de Paris 2024 peut lui-même agir ; le CNOSF et le CPSF conservent toutefois le droit de se joindre aux procédures.

Les fédérations délégataires disposent d’un autre privilège : elles sont seules habilitées à décerner les titres « Équipe de France » ou « Champion de France ». Un tiers qui déposerait « Équipe de France de rugby » commettrait un dépôt frauduleux ; la Cour de cassation l’a confirmé. En parallèle, l’article L.333-1 reconnaît aux organisateurs un droit d’exploitation exclusif sur leur compétition. Ce monopole couvre billetterie, droits audiovisuels, produits dérivés. Déposer la dénomination de l’événement sans autorisation peut donc être annulé pour illicéité.

3) Limiter les risques des marques sportives : fraude, parasitisme et dépôts de mauvaise foi

Le sport attire aussi les prédateurs. Certains anticipent la popularité d’une future star ou d’un millésime pour réserver « Neymar », « Paris 2028 » ou « VVTAE » avant tout le monde. Les juges sanctionnent ces dépôts s’ils découvrent une intention de verrouiller le marché ou de profiter indûment d’une réputation. Ils recherchent alors des indices concordants : multiplicité des dépôts, absence de projet réel, connaissance du tiers lésé.

La fraude n’exige pas toujours un droit antérieur formel. Il suffit d’une situation où le déposant savait que le signe jouissait déjà d’une notoriété ou que son concurrent aurait légitimement besoin de l’utiliser. Par exemple, la Fédération française de motocyclisme a perdu ses marques « VVTAE » car elle n’avait pas encore reçu la délégation ministérielle sur le vélo à assistance électrique ; le tribunal a estimé qu’elle voulait bloquer la communication des autres acteurs.

Le parasitisme constitue l’autre face du problème. Une entreprise peut éviter la contrefaçon mais tenter de capter l’aura d’un événement en plaçant son produit dans le sillage de la notoriété d’autrui. Les magistrats français condamnent ces pratiques sur le fondement de la responsabilité civile ; le Comité d’organisation de l’Euro 2016 a ainsi obtenu réparation contre des vendeurs de billets non autorisés et contre des plateformes de revente, même quand ces dernières arguaient de la liberté d’expression ou du droit à l’information.

4) Exploiter sans dépasser : licences, sponsoring et usages autorisés

Enfin, transformer une marque sportive en source de revenus requiert méthode. Le schéma classique repose sur deux leviers : le sponsoring et la licence. Dans un contrat de sponsoring, le partenaire paie pour associer sa marque à la compétition ; il n’exploite pas la marque de l’événement comme sienne, mais bénéficie de son pouvoir d’attraction. Dans une licence, l’organisateur autorise un tiers à apposer la marque de l’événement sur des produits (textile, jeux vidéo, boissons). Le licencié doit alors l’utiliser à titre de marque et respecter strictement le cahier des charges ; sinon la déchéance peut frapper.

Le droit prévoit aussi des exceptions. L’article L.713-6 permet de citer la marque d’un autre si c’est le seul moyen d’indiquer la destination d’un produit ou d’un service – une lame de rasoir compatible Gillette, une pièce détachée pour vélo Tour de France. Mais trois conditions sont cumulatives :

  • l’usage doit être nécessaire,
  • conforme aux usages loyaux du commerce,
  • et ne pas créer de confusion.

Les paris sportifs ou la revente de billets échouent souvent à ce test : ils utilisent la marque pour désigner le cœur même de leur offre commerciale, pas une destination accessoire, et donnent l’impression d’un partenariat inexistant.

Le titulaire doit aussi veiller à l’usage sérieux. Sans exploitation pendant cinq ans, la marque encourt la déchéance pour les produits ou services restés inactifs. Publier le signe sur les affiches d’une édition et l’oublier ensuite ne suffit pas. Il faut montrer ventes, publicités, preuves de marché. Les clubs ou organisateurs ont donc intérêt à planifier un portefeuille équilibré : dépôts larges pour anticiper les partenariats, contrôles réguliers pour prouver l’usage effectif, renouvellements sans faille.

Conclusion

Les marques sportives offrent un levier marketing puissant, mais leur gestion obéit à des règles strictes. Enregistrer tôt, choisir un signe distinctif, surveiller les registres, réagir vite face aux dépôts opportunistes, négocier des licences encadrées : voilà la feuille de route gagnante. Avant de lancer un produit estampillé « Paris 2024 » ou « Championnat de France », vérifiez vos droits, sous peine de contrefaçon coûteuse. Pensez aussi à contrôler l’usage de vos propres marques ; cinq ans passent vite.

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