Bien comprendre les licences libres et leurs mécanismes est essentiel pour une entreprise qui souhaite exploiter ou publier un logiciel open source. Cet article décrypte les grands principes des licences libres et livre des clefs pour faire les bons choix et éviter les écueils liés au licence open source.
Comprendre les libertés offertes par une licence libre
D’abord, chaque licence libre consacre quatre libertés :
- exécuter,
- étudier,
- modifier,
- et redistribuer le logiciel.
Ces droits proviennent des définitions de la Free Software Foundation et de l’Open Source Initiative, désormais bien ancrées. Dans la pratique, la liberté d’exécuter permet d’utiliser sans autorisation préalable. Celle d’étudier suppose l’accès au code source. La modification autorise l’adaptation interne ou la création de versions dérivées. La redistribution organise le partage, gratuit ou payant.
Pour un chef d’entreprise, ces libertés représentent une opportunité : elles accélèrent l’intégration de composants existants, réduisent les coûts de recherche et développement et favorisent l’interopérabilité. En contrepartie, certaines prérogatives restent réservées au titulaire — par exemple, le droit moral en droit français ou la maîtrise de la marque du projet. Gardez à l’esprit que la cession ne porte jamais sur tout. Ainsi, la GPL v2 ne transfère pas les prérogatives de représentation publique du logiciel. En clair, la liberté existe parce que les droits d’auteur l’encadrent : sans droit, pas de liberté, mais sans liberté, pas d’écosystème.
Identifier les obligations : quand la licence libre impose des devoirs
Ensuite, toute licence libre impose des obligations non négociables. On retrouve trois familles, à l’image du Code civil : obligations de faire, de ne pas faire et de donner.
- Les obligations de faire englobent notamment la fourniture du code source ou la mention de la paternité ; pour un prestataire, elles alimentent une obligation de conseil renforcée.
- Les obligations de ne pas faire interdisent, par exemple, l’usage d’une marque sans autorisation.
Le copyleft, lui, mixe les deux : il vous commande de redistribuer vos modifications sous la même licence et vous interdit de fermer le code. Enfin, les obligations de donner concernent la concession de droits réels – brevets, dessins, bases de données – au bénéfice des utilisateurs.
Ces devoirs protègent l’écosystème, mais leur variété peut surprendre. On parle d’« asymétrie » lorsque l’éditeur se réserve plus de droits que les licenciés ; c’était le cas de la licence NPL, aujourd’hui peu utilisée. Dans tous les cas, le non-respect déclenche l’expiration automatique de la licence, transformant toute exploitation ultérieure en contrefaçon.
Définir le périmètre de la licence libre : restreint, faible, standard ou fort
Le « périmètre » désigne l’étendue des obligations : jusqu’où la licence emporte-t-elle votre propre code ? La doctrine distingue quatre catégories : restreint, faible, standard et fort.
- L’étendue restreinte, typique des licences permissives (MIT, BSD, Apache 2.0), ne couvre que le fichier d’origine ; vos ajouts peuvent rester propriétaires.
- L’étendue faible (LGPL, MPL) s’attache aux fichiers modifiés, mais pas aux modules séparés. Vous pouvez lier une bibliothèque LGPL à un logiciel interne sans l’ouvrir, sous réserve de règles de liaison claires. L’étendue standard laisse la notion d’« œuvre dérivée » au droit commun.
- Enfin, l’étendue forte (GPL, AGPL) s’applique à l’ensemble du programme ; toute redistribution globale impose la même licence à l’œuvre composite.
Le choix du périmètre influence votre stratégie. Pensez à vérifier la compatibilité entre licences : mélanger une composante à copyleft fort et un module propriétaire sans cloison technique conduit souvent à l’incompatibilité juridique.
Piloter la conformité : bonnes pratiques contractuelles et opérationnelles
Passer d’une analyse abstraite à la pratique suppose une gouvernance claire. Commencez par cartographier votre patrimoine logiciel : composants tiers, versions, licences. Mettez en place une politique de revue de code. Intégrez une clause de garantie open source dans les contrats de développement. Le prestataire doit déclarer les composants tiers et fournir le code source associé.
En interne, formez vos équipes : une licence libre ne se résume pas à un simple copier-coller. Côté brevets, anticipez les clauses de licence implicite : la GPL v3 intègre une licence de brevets automatique, tandis que l’Apache 2.0 révoque cette licence en cas d’action contentieuse.
Enfin, conservez une traçabilité : on ne peut corriger une violation que si l’on sait quel code a circulé. L’entreprise y gagne : moins de risques de contentieux, une image conforme aux standards, et un argument fort lors des levées de fonds.
Conclusion
Les licences libres offrent un puissant levier d’innovation, à condition d’en maîtriser la mécanique : identifier les libertés, respecter les obligations et calibrer le périmètre. Une gouvernance rigoureuse transforme ces règles en avantage concurrentiel durable. En pratique : auditez vos composants, choisissez la licence qui sert vos objectifs et formalisez vos processus de conformité.
Deshoulières Avocats vous conseille et vous accompagne à chaque étape : audit de code, choix de licence, rédaction de clauses contractuelles, gestion des litiges et mise en conformité internationale.
RESSOURCES :
- Code de la propriété intellectuelle, art. L. 122-5 et L. 131-3
- GNU General Public License v3, préambule et article 8
- Deshoulières Avocats, « Comment un logiciel est-il protégé par la propriété intellectuelle ?«