Sélectionner une page

Publicité en ligne : pourquoi Bruxelles inflige 2,95 milliards d’euros à Google (et ce que cela change pour les annonceurs et éditeurs)

par | 14 Oct 2025 | Concurrence déloyale

Le 5 septembre 2025, la Commission européenne a condamné Google à 2,95 milliards d’euros pour abus de position dominante dans la adtech. Motif : l’autopréférence de ses propres services (DFP, Google Ads/DV360, AdX) aurait faussé la concurrence depuis au moins 2014. Google a 60 jours pour proposer des remèdes, à défaut des solutions structurelles pourraient être imposées. Décryptage clair et pratique.

1. Ce que Bruxelles reproche précisément à Google

Dans l’écosystème publicitaire, trois briques techniques pilotent l’affichage des bannières sur le web ouvert :

  1. Serveur publicitaire éditeur (ex. DFP) pour gérer l’inventaire ;
  2. Outils d’achat programmatiques pour les annonceurs (Google Ads, DV360) ;
  3. Bourse d’annonces où se déroulent les enchères (AdX).

Après enquête, la Commission constate que Google est dominant à la fois sur les serveurs éditeurs (DFP) et sur les outils d’achat (Google Ads/DV360) à l’échelle de l’EEE. Elle retient deux abus :

  • Favoritisme d’AdX dans la sélection menée par DFP (ex. information préalable d’AdX sur la meilleure offre concurrente à battre) ;
  • Favoritisme d’AdX dans la manière dont Google Ads et DV360 déposent leurs offres (ex. évitement des bourses concurrentes), rendant AdX plus attractif.

Pour Bruxelles, ces pratiques ont intentionnellement donné un avantage à AdX, renforcé sa position centrale et augmenté la capacité de Google à prélever des frais élevés.


2. Le montant record et l’injonction : une amende… et des remèdes

La Commission inflige 2,95 Mds€, en tenant compte de la gravité et de la durée de l’infraction, ainsi que d’antécédents d’abus de position dominante. Surtout, elle ordonne à Google :

  • de mettre fin aux pratiques d’autopréférence ;
  • de traiter ses conflits d’intérêts “inhérents” tout au long de la chaîne adtech.

Délai : 60 jours pour indiquer les mesures proposées. À défaut (ou si elles sont insuffisantes), la Commission pourra imposer une mesure corrective. Elle a d’ailleurs signalé sa vue préliminaire : seule la cession d’une partie des services pourrait résoudre ces conflits d’intérêts — tout en précisant qu’elle souhaite d’abord évaluer la proposition de Google.


3. Qui est concerné et comment s’y préparer (annonceurs, éditeurs, plateformes)

Annonceurs (marques, e-commerçants, agences)

  • Diversifiez vos accès aux places de marché publicitaires : activez/comparez plusieurs bourses (intermédiation multi-SSP) pour restaurer de la concurrence dans les enchères.
  • A/B testez les stratégies d’enchères (au-delà des paramètres par défaut des outils Google) : mesurez le taux de couverture, le coût net et la qualité d’inventaire obtenus via des connexions non-AdX.
  • Exigez de la transparence (journaux d’enchères, win rate, take rate) pour identifier d’éventuels différentiels de frais. Ces exigences sont cohérentes avec l’esprit de la décision.
    European Commission

Éditeurs (médias, marketplaces, apps)

  • Réévaluez l’architecture de votre stack (header bidding côté serveur, prébid, connexions directes à d’autres bourses) pour réduire la dépendance à une bourse unique.
  • Négociez des accords de service qui séparent la gestion d’inventaire (ad server) et l’accès aux bourses, afin de limiter les conflits d’intérêts pointés par Bruxelles.
  • Documentez l’impact financier des changements (CPM, fill-rate, latence), pour pouvoir réclamer des dommages en justice le cas échéant : la décision de la Commission constitue une preuve contraignante de l’illégalité des pratiques.
    European Commission

Plateformes et retail media

  • Vérifiez que vos préférences internes (maison vs tiers) n’aboutissent pas à un autopréférencement comparable. Les autorités disposent désormais d’un cadre factuel et d’un précédent solide pour examiner d’autres chaînes publicitaires.

4. Et maintenant ? Calendrier, risques et opportunités

Calendrier court : d’ici début novembre 2025, Google doit détailler ses remèdes. La Commission examinera si ces mesures suppriment réellement les conflits d’intérêts. Si ce n’est pas le cas, elle pourra imposer des remèdes comportementaux (séparation fonctionnelle, interdictions ciblées) ou structurels (cession), ces derniers n’étant envisageables qu’à défaut de solution comportementale tout aussi efficace et moins contraignante.

Opportunités de marché : si la mise en concurrence est rétablie, SSP et ad exchanges alternatifs pourraient gagner des parts et faire baisser les frais nets pour annonceurs et éditeurs. Les équipes media ont intérêt à tester ces canaux, à ré-étalonner leurs modèles d’attribution et à renégocier les tarifs sur la base d’un écosystème moins captif.


A retenir :

  • Faute retenue : autopréférence des services Google dans la chaîne adtech (DFP ↔ AdX ↔ Google Ads/DV360) depuis au moins 2014.
  • Sanction : 2,95 Mds € + injonction de cesser l’autopréférence et traiter les conflits d’intérêts ; 60 jours pour proposer des remèdes, sinon mesures imposées (jusqu’à la cession de services).
  • Portée : impact direct sur les coûts/frais, la distribution des enchères et la gouvernance des plateformes publicitaires en Europe ; résonance avec le dossier américain (audience le 22 septembre 2025).

***

Pour toute demande de conseil juridique, n’hésitez pas à nous contacter. Vous pouvez dès à présent demander un devis gratuit ici.

Partager :

Une question ?
Deshoulières Avocats a été classé parmi les meilleurs cabinet d’avocats en droit des nouvelles technologies par le journal Le Point.

Nous conseillons et défendons plus de 750 entreprises, en France et à l’international.

DEVIS GRATUIT

Demandez dès à présent un devis gratuit. Deshoulières Avocats s’engage à vous répondre sous 24h.

UNE QUESTION ? UN BESOIN ? CONTACTEZ-NOUS

Deshoulières Avocats conseille et défend plus de 750 entreprises, en France et à l’international.