À compter du 1er septembre 2025, le procès civil change d’ADN : l’instruction se fait d’abord par accord entre les parties (mise en état conventionnelle), l’audience de règlement amiable (ARA) est généralisée, tout juge peut enjoindre les parties de rencontrer un médiateur ou un conciliateur (avec, à la clef, une amende civile jusqu’à 10 000 € en cas de refus injustifié), et la confidentialité des modes amiables est clarifiée. Le juge devient le chef d’orchestre qui oriente, avec les parties, vers le mode de résolution le plus adapté. Tour d’horizon pratique pour les non-juristes
1. Injonction de rencontrer un médiateur ou un conciliateur : désormais possible… et sanctionnée
Jusqu’ici cantonnée à certains contentieux, l’injonction de rencontrer un tiers neutre est désormais ouverte à tout juge et à tout moment de l’instance. Le nouvel article 1533 du CPC prévoit que le juge peut enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur ou un conciliateur pour une réunion d’information sur l’objet et le déroulement de la médiation/conciliation. Particularité utile : le juge peut rendre une « ordonnance 2-en-1 », en prévoyant que si le consentement des parties est ensuite recueilli par le médiateur/conciliateur, la mesure de médiation/conciliation démarre sans repasser devant le juge.
Cette injonction n’est pas purement symbolique. Le médiateur/conciliateur doit informer le juge de l’absence d’une partie à la réunion d’information, et la présence ou l’absence à cette réunion n’est pas confidentielle. À défaut de motif légitime, la partie qui ne se présente pas peut être condamnée à une amende civile jusqu’à 10 000 € (art. 1533-1 à 1533-3 CPC).
À retenir
Sanction du refus injustifié : jusqu’à 10 000 €.
Le juge peut exiger une rencontre d’information avec un médiateur/conciliateur.
Cette rencontre peut être tenue en visio si nécessaire.
2. Mise en état conventionnelle : le nouveau droit commun de l’instruction
La nouveauté majeure tient en une ligne : « Dans le respect des principes directeurs du procès, les affaires sont instruites conventionnellement par les parties. À défaut, elles le sont judiciairement. » (art. 127 CPC). Concrètement, la mise en état par accord — assistée par les avocats — devient la règle ; la mise en état judiciaire redevient l’exception si l’accord échoue. Les dossiers instruit(s) conventionnellement bénéficient d’un audiencement prioritaire.
Deux voies pratiques coexistent :
a) L’instruction conventionnelle « simplifiée » (arts. 129-1 à 129-3 CPC)
Très souple, elle peut être conclue entre avocats, entre une partie non représentée et un avocat, voire entre parties si la représentation n’est pas obligatoire. Pas d’acte d’avocat obligatoire : un écrit ou des conclusions concordantes suffisent. Effets clés : interruption de la péremption pendant l’exécution de la convention ; contrôle par le juge (régularité/équilibre) ; si l’affaire est prête, le juge fixe la clôture et l’audience de plaidoiries.
b) La convention de procédure participative aux fins de mise en état (CPPME) (art. 130 s.)
Ici, acte d’avocat obligatoire : la convention est contresignée par les avocats et encadre objet, calendrier, pièces à échanger, etc. Pendant la convention, la demande au juge pour trancher le litige est irrecevable (sauf urgence). En appel, la conclusion d’une convention interrompt les « délais Magendie » ; un nouveau délai repart à la reprise de l’instruction judiciaire (art. 915-3 CPC).
Expertise amiable renforcée. Les parties peuvent désigner un technicien d’un commun accord (avant tout procès, pendant l’instruction conventionnelle ou judiciaire), définir sa mission et sa rémunération. En cas de difficulté (désignation, exécution, rémunération), un juge d’appui peut être saisi. Surtout : l’ancienne interdiction faite à l’expert de concilier les parties (art. 240 CPC) est abrogée ; il peut désormais faciliter un accord, y compris via une médiation si les parties le souhaitent.
Bonus probatoire. Si le rapport du technicien résulte d’une convention conclue entre avocats, sa force probante est accrue : il s’impose aux parties sauf preuve de son inexactitude.
3. ARA généralisée, nouvelles règles de confidentialité et de délais : l’impact concret
L’audience de règlement amiable (ARA), introduite en 2023 devant le tribunal judiciaire, est étendue à toutes les juridictions civiles, y compris en appel, sauf le conseil de prud’hommes. La convocation en ARA est une mesure d’administration judiciaire (elle ne dessaisit pas le juge). Effet sur les délais : la convocation interrompt la péremption jusqu’à la dernière ARA ; en appel, elle interrompt aussi les délais pour conclure (les fameux délais Magendie) jusqu’à la dernière ARA (art. 1532 et 915-3 CPC).
Côté confidentialité, le nouvel article 1528-3 clarifie tout : tout ce qui est dit, écrit ou fait durant l’ARA, la médiation ou la conciliation est confidentiel, sauf accord contraire. Mais—changement majeur—les pièces produites pendant ces processus ne sont pas couvertes par la confidentialité à moins d’un accord exprès ; seules les pièces élaborées pour le processus sont couvertes. Exceptions : ordre public/intérêt de l’enfant/intégrité ou nécessité de révéler l’accord pour son exécution. Enfin, la présence/absence d’une partie à la réunion d’information n’est pas confidentielle.
Durées assouplies. La mission d’un médiateur/conciliateur peut durer 5 mois, prolongeable 3 mois (au lieu de 3 + 3 auparavant), laissant un temps utile au dialogue tout en gardant un cadre.
Calendrier d’entrée en vigueur. Le décret s’applique dès le 1er septembre 2025 aux instances en cours, sauf les conventions de mise en état (applicables uniquement aux instances introduites à compter de cette date). Point de vigilance pour vos dossiers en stock.
4. Un juge « orienteur » et des accords plus facilement exécutoires
Le nouvel article 21 CPC consacre un principe de coopération : « Il entre dans la mission du juge de concilier les parties et de déterminer avec elles le mode de résolution du litige le plus adapté à l’affaire. Les parties peuvent à tout moment convenir de résoudre à l’amiable tout ou partie du litige. » Autrement dit, le juge propose et oriente, les parties choisissent et construisent.
Lorsqu’un accord est trouvé (médiation, conciliation, CPPME), il peut être homologué par le juge sur requête, sans débat, s’il s’agit d’une transaction licite ne heurtant pas l’ordre public. Nouveauté facilitatrice : certains actes contresignés par avocats constatant un accord peuvent être directement revêtus de la formule exécutoire par le greffe — même s’ils ne proviennent pas d’un MARD — ce qui évite une audience et accélère l’exécution.
Ce que cela change pour vous (entreprises, dirigeants, particuliers)
- Anticiper l’amiable : la mise en état conventionnelle devient la voie normale ; prévoyez un calendrier, des échanges de pièces et, si besoin, un technicien choisi d’un commun accord. Cela accélère souvent l’audiencement.
- Saisir l’opportunité de l’ARA : en première instance comme en appel, l’ARA gèle les délais et permet de désamorcer le litige avec un juge dédié à la recherche d’accord.
- Maîtriser la confidentialité : discutez-en avant la réunion ; sans accord exprès, les pièces produites pendant la médiation/conciliation restent utilisables au contentieux (seuls les échanges/notes élaborés pour l’amiable sont protégés).
- Respecter les injonctions : ne pas se présenter à la réunion d’information expose à une amende civile et sera porté à la connaissance du juge.
- Valoriser l’expertise amiable : un rapport issu d’une convention entre avocats a une force probante renforcée ; bien cadré, il débloque nombre de dossiers techniques.
En bref. Avec le décret n° 2025-660 du 18 juillet 2025, l’amiable devient la norme et le contentieux l’exception. Bien pensé et bien encadré, ce virage permet d’accélérer la résolution des litiges, de maîtriser les coûts et de sécuriser les accords. Notre équipe MARD & contentieux vous accompagne pour choisir la bonne voie (ARA, médiation, conciliation, CPPME), rédiger vos conventions et sécuriser vos accords (homologation ou formule exécutoire), en tenant le cap des nouveaux délais.
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