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Droit de repentir et de retrait : protéger son œuvre après la cession

Le Code de la propriété intellectuelle offre à chaque créateur un ultime filet de sécurité : le droit de repentir ou de retrait. Souvent méconnu, ce mécanisme permet de modifier ou de stopper l’exploitation d’une œuvre déjà cédée. Découvrons comment il fonctionne, à quelles conditions il s’exerce et pourquoi il reste, malgré son apparente audace, un outil encadré.

Comprendre la dualité repentir/retrait

D’abord, il faut distinguer deux gestes complémentaires.

  • Le repentir se traduit par la volonté de corriger l’œuvre, qu’il s’agisse d’une réécriture d’un roman, d’un remontage d’un film ou d’un changement de tonalité d’une photographie.
  • Le retrait, lui, vise à mettre fin à la diffusion ; l’auteur demande alors l’arrêt pur et simple de l’exploitation.

Ensuite, les deux droits partagent un régime identique : tous deux ne deviennent utiles qu’après la divulgation de la création. Tant que l’œuvre n’a pas été rendue publique, l’auteur demeure couvert par son droit de divulgation et peut refuser la première parution sans avoir à indemniser qui que ce soit. Cependant, une fois l’œuvre lancée, seule l’option repentir/retrait lui reste ouverte, et elle suppose une compensation financière préalable.

Enfin, les tribunaux et la pratique utilisent souvent le mot « repentir » pour englober les deux hypothèses. Cette souplesse terminologique ne doit pas masquer la logique sous-jacente : modifier ou retirer, c’est toujours exercer un pouvoir moral destiné à protéger l’intégrité artistique et la conscience du créateur.

Un rempart moral face aux contrats

D’abord, ce droit moral fait échec à la règle qui impose en principe le respect absolu des conventions. En autorisant l’auteur à revenir sur une cession de droits patrimoniaux, le législateur a voulu préserver l’expression de la personnalité dans l’œuvre.

Ensuite, la Cour de cassation rappelle que la prérogative n’est pas un simple moyen de résilier un contrat au moindre caprice : elle ne peut être actionnée que pour des motifs liés à l’intime conviction artistique, jamais pour des raisons purement commerciales. Cependant, son efficacité est tempérée par une exigence stricte : l’auteur doit d’abord indemniser le cessionnaire pour le préjudice subi. Le jeu d’équilibre est délicat : la liberté créative prime, mais l’économie du secteur culturel ne peut être brutalement ébranlée.

Enfin, ce pouvoir ne se confond ni avec l’action en résolution d’un contrat pour inexécution, ni avec la possibilité de renier sa paternité. Il s’agit d’un levier autonome, déclenché quand la voix intérieure de l’artiste entre en tension avec une diffusion qu’il juge désormais inappropriée.

Quand et comment l’auteur peut-il agir ?

D’abord, seules les œuvres déjà portées à la connaissance du public ouvrent droit au repentir ou au retrait. Avant cette étape, l’auteur use du droit de divulgation, libre de garder son manuscrit dans un tiroir.

Ensuite, la prérogative ne joue que contre le cocontractant détenteur des droits d’exploitation. Elle ne peut donc pas être opposée à un sous-cessionnaire avec lequel l’auteur n’a aucun lien direct, sauf accord spécifique. De plus, le texte cible les cessions de droits, terme compris au sens large : il englobe les licences, les cessions partielles, les options d’adaptation ou de traduction. Cependant, les contrats de commande simples, dépourvus de transfert patrimonial, échappent normalement au dispositif. Il en va de même de la vente du support matériel d’une toile ou d’une sculpture, car remettre en cause cette vente reviendrait à exproprier l’acquéreur.

Enfin, certains secteurs font l’objet de régimes spéciaux. Le logiciel en est l’exemple emblématique : l’article L.121-7 exclut expressément le repentir et le retrait, même si l’auteur conserve son droit de divulgation. Cette dérogation souligne que la souplesse du droit moral doit parfois céder devant les exigences de la circulation numérique et des mises à jour techniques permanentes.

Qui peut se prévaloir de ce pouvoir et dans quelles limites ?

D’abord, le législateur n’a pas prévu de transmission successorale automatique. La plupart des décisions de justice refusent donc aux héritiers la possibilité d’exercer le repentir ou le retrait à la place du créateur défunt. La prérogative reste étroitement attachée à la personne de l’auteur, reflet de son inspiration et de sa sensibilité.

Ensuite, la situation diffère pour les agents publics. Depuis 2006, l’article L.121-7-1 exige l’accord préalable de l’administration hiérarchique pour toute démarche de repentir. Sur le papier, ce verrou peut sembler disproportionné, car la menace pour l’exploitant reste mince. Cependant, il illustre le souci de concilier liberté artistique et bonne marche du service public.

Enfin, le repentir/retrait ne s’applique pas dans les rapports entre coauteurs d’une œuvre de collaboration : chacun ne détient qu’un droit moral individuel sur son apport, mais la remise en cause de l’exploitation globale requiert l’unanimité ou un autre fondement. Cette limite évite qu’un seul créateur puisse entraver la vie commerciale d’un projet collectif.

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