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Droit de divulgation : l’auteur décide de la première présentation

Le droit moral décide du « jour J » ! Le droit de divulgation, méconnu mais décisif, permet à l’auteur de contrôler la première présentation de sa création. Tant qu’il ne l’exerce pas, personne ne peut afficher, publier ou même citer largement l’œuvre. Comprendre ce mécanisme, c’est éviter des erreurs coûteuses en matière de propriété intellectuelle.

Le droit de divulgation, une exclusivité continentale qui protège la personnalité de l’auteur

D’abord, le droit de divulgation appartient à la famille des droits moraux, reconnus dans les pays d’Europe continentale. Ni la Convention de Berne ni les systèmes de common law ne lui donnent la même place. En France, l’article L 121-2 du Code de la propriété intellectuelle (CPI) le proclame : seul l’auteur choisit quand, où et comment l’œuvre voit le jour.

Cette prérogative reste personnelle : elle ne se transmet ni aux producteurs ni aux artistes-interprètes. Seule l’œuvre collective fait exception : son promoteur peut décider de la première diffusion, car l’œuvre dépend de son initiative. De même, un agent public conserve ce droit, mais dans le respect des règles de son administration. Ainsi, le droit de divulgation illustre parfaitement la logique personnaliste du droit d’auteur français : l’œuvre prolonge la personnalité du créateur.

Les deux conditions de l’exercice du droit de divulgation : un acte public et une volonté claire

Ensuite, la divulgation naît de la rencontre de deux éléments indissociables.

  • Premier élément : un acte matériel qui met l’œuvre à portée du public. Il peut s’agir d’une mise en ligne, d’une exposition, d’une vente en librairie ou du dépôt d’un exemplaire dans une bibliothèque ouverte. Le public n’a pas besoin de consulter l’œuvre ; il suffit qu’il puisse y accéder. Un manuscrit enfermé dans une cave n’est donc pas divulgué, alors qu’un document consultable sur rendez-vous à la Bibliothèque nationale l’est déjà.
  • Second élément : la volonté de l’auteur. Sans accord explicite ou implicite, l’acte matériel reste sans effet juridique. Les juges recherchent un faisceau d’indices : signature, datation, catalogue, carton d’invitation. Aucun indice isolé ne suffit. Par exemple, la donation d’un tableau n’équivaut pas à une divulgation si l’artiste n’a pas manifesté son souhait de le montrer. La Cour de cassation l’a rappelé dans l’affaire La jeune fille au bouquet (Cass. 1re civ., 10 octobre 2018).

Cependant, le numérique change l’analyse. Un simple tweet contenant l’œuvre peut déclencher la divulgation, car le public est immédiatement atteint. À l’inverse, un piratage n’en constitue pas une, faute de volonté de l’auteur. Les personnes liées par une clause de confidentialité ne forment pas un public ; la répétition générale d’un spectacle ou l’envoi d’un manuscrit à un comité de lecture n’épuisent pas le droit.

Contrats, ventes, dépôts : des situations à haut risque

Ensuite, l’œuvre circule. L’auteur vend des toiles, signe un contrat d’édition ou dépose un prototype dans un musée. Ces opérations touchent le support matériel ou les droits patrimoniaux, mais pas le droit moral. La remise physique d’un tableau, même contre paiement, n’autorise pas son exposition publique. La donation d’une sculpture n’autorise pas sa mise en ligne.

Un contrat de commande engage l’auteur à créer, non à publier ; un contrat d’exploitation transfère les droits patrimoniaux, mais laisse intacte la décision de divulguer. Seule une clause très précise, acceptée en connaissance de cause, peut valoir renonciation anticipée. Deux arrêts de la Cour de cassation (13 décembre 2012 et 9 avril 2014) admettent qu’un engagement contractuel peut parfois valoir exercice du droit de divulgation. Il faut toutefois une volonté non équivoque et un lien direct avec un acte public futur.

Le numérique amplifie les enjeux : une plateforme de streaming intègre souvent une autorisation large. Tant qu’un fichier reste privé ou protégé par mot de passe, la divulgation n’est pas consommée. Un « clic » mal maîtrisé peut, en revanche, déclencher une diffusion mondiale et faire perdre le contrôle. Les entreprises doivent donc cartographier les contributions et collecter des autorisations écrites avant la mise en ligne.

Après le décès : un droit survivant, mais pas sans limite

Enfin, le décès de l’auteur n’éteint pas le droit de divulgation. Le Code de la propriété intellectuelle organise une dévolution successorale spécifique ; les héritiers deviennent gardiens du « jour J » posthume. Ils doivent agir « au service de l’œuvre », c’est-à-dire respecter l’esprit du créateur. La justice peut corriger les abus. En février 2024, le tribunal judiciaire de Paris a sanctionné un héritier qui refusait certaines photographies alors qu’il en avait autorisé d’autres similaires (TJ Paris, 23 février 2024).

Les successions complexes peuvent bloquer la diffusion de documents précieux. Pour prévenir l’enlisement, les tribunaux valident des mandats confiés à un professionnel unique, ou ordonnent une divulgation partielle. Une clause de testament ou une lettre d’intention peut aussi guider les héritiers. Ainsi, prévoir un « plan de divulgation » dans le contrat d’édition ou le testament limite les conflits futurs.

Conclusion

Le droit de divulgation repose sur un duo : un acte public et une volonté claire. Tant que ces deux conditions ne se rejoignent pas, l’œuvre reste sous cloche. Avant toute publication, vérifiez l’autorisation du titulaire, auteur vivant ou héritiers habilités. Vous éviterez litiges coûteux et lancements annulés. Dernier conseil : consignez toujours par écrit les intentions de l’auteur ; ce document servira de boussole aux partenaires et aux proches.

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