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Droit de reproduction : l’autorisation pour la traduction et adaptation

Le droit de reproduction est la pierre angulaire du droit d’auteur français. Il protège la fixation matérielle d’une œuvre, mais aussi la traduction, adaptation et autres transformations. Comprendre son périmètre permet d’éviter la contrefaçon, en particulier pour les pratiques numériques telles que le fansub ou le scantrad.

Le droit de reproduction : un monopole qui commence dès la fixation

Le Code de la propriété intellectuelle (article L. 122-3) définit la reproduction comme la fixation d’une œuvre sur un support permettant sa communication indirecte au public. Autrement dit, la simple copie, même temporaire, déclenche le monopole de l’auteur par le droit de reproduction. Les supports importent peu : papier, disque dur, serveur cloud ou mémoire vive.

D’abord, cette approche large englobe les technologies existantes et futures. Ensuite, elle neutralise l’argument souvent avancé selon lequel un fichier « éphémère » – par exemple le cache d’un navigateur – ne soulèverait aucun droit. Cependant, la fixation doit ouvrir la voie à une éventuelle communication ; un brouillon privé, jamais montré, reste hors champ. Enfin, la directive 2001/29/CE confirme cette lecture : l’auteur garde le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire toute copie, directe ou indirecte, partielle ou totale, permanente ou provisoire.

Les exceptions restent limitées. L’exception de copie technique, prévue par le même texte européen, vise uniquement les actes transitoires sans valeur économique autonome. La jurisprudence les encadre strictement : la copie doit être indispensable à un usage licite et disparaître d’elle-même. Les rejets de tribunaux illustrent cette sévérité : stocker un fichier musical sur un serveur de streaming, même brièvement, dépasse la simple phase transitoire. En pratique, les hébergeurs mettent donc en place des filtres pour éviter la fixation non autorisée. Les entreprises qui numérisent des archives, des catalogues ou des bases de données doivent pareillement obtenir l’accord préalable des ayants droit, sous peine de contrefaçon.

Traduction et fansub : copier sans toucher au support, c’est encore reproduire

L’article L. 122-4 interdit la traduction d’une œuvre sans l’accord de l’auteur. Cette règle ancienne, affirmée en 1914, s’applique aujourd’hui à Internet. Le fansub – contraction de fan et subtitle – consiste à ajouter des sous-titres amateurs à des films ou séries étrangers. Le scantrad procède de la même logique pour les mangas : numérisation, traduction dans les bulles, diffusion gratuite. Dans les deux cas, les équipes de bénévoles fixent un nouvel objet protégé : le texte traduit. Elles exploitent ensuite ce fichier en ligne. Droit de reproduction et droit de représentation sont violés simultanément.

Ces pratiques heurtent aussi le droit moral. Le sous-titres modifient l’intégrité visuelle et sonore de l’œuvre ; le générique qui mentionne l’équipe de fansub brouille la paternité. Les tribunaux étrangers confirment la sévérité : en 2018, le fondateur d’Undertexter.se a écopé de 22 000 € d’amendes pour diffusion de sous-titres non autorisés. En France, les détenteurs de droits ciblent surtout les plateformes d’hébergement et obtiennent le retrait rapide des fichiers litigieux.

Pourtant, des initiatives légales montrent qu’une collaboration est possible. Depuis 2016, la chaîne Arte propose « Arte Europe » : des internautes volontaires traduisent reportages et documentaires. Un contrat précise qu’Arte acquiert les droits sur le sous-titre et peut le modifier. Le cadre juridique rassure tous les acteurs : l’œuvre reste disponible, le public s’élargit, et les traducteurs amateurs évitent les poursuites. La leçon est claire : sans contrat, la traduction reste une contrefaçon, même si l’intention est culturelle ou gratuite.

Adaptation, remake, mashup : transformer l’œuvre, quelles limites ?

Adapter un roman au cinéma, transformer un film en bande dessinée ou revoir la couleur d’une photographie engage le droit de reproduction. La transformation crée une « œuvre dérivée » si elle présente une originalité propre, mais l’adaptateur ne peut l’exploiter qu’avec l’accord de l’auteur initial. Les remakes, suites non officielles et spin-offs entrent dans ce périmètre. La Cour de cassation l’a rappelé dans l’affaire de la « suite » des Misérables : prolonger un classique sans autorisation constitue une violation du droit d’adaptation.

La frontière peut sembler floue. Lorsque Canal+ a diffusé un karaoké intégrant une chanson sans la modifier, les juges ont retenu une simple reproduction. L’œuvre première restait intacte ; aucune transformation sensible n’était réalisée. À l’inverse, un galeriste ayant ajouté des tatouages dessinés au feutre sur une photographie puis vendu l’image a été condamné : la nouvelle version formait une œuvre composite exploitée sans l’aval du photographe. Les technologies numériques accentuent ces questions. Remix, mashup, vidéos générées par intelligence artificielle : chaque fois qu’une partie notable de l’œuvre source subsiste, l’autorisation s’impose, sauf exception de courte citation, parodie ou pastiche.

Les logiciels obéissent à un régime partiellement distinct. L’article L. 122-6 sépare le droit de reproduction du droit « d’adapter, arranger ou traduire ». Les licences open source illustrent cette dualité : elles autorisent souvent la copie, mais soumettent la création de versions dérivées à des conditions. Les entreprises doivent donc vérifier que la cession reçue couvre bien la modification et la distribution du code adapté. Sinon, l’usage interne peut être licite alors que la commercialisation d’une version dérivée devient illicite.

Le droit moral face aux créations dérivées : trouver le juste équilibre

Même lorsque l’auteur cède son droit d’adaptation, il conserve le droit au respect de l’œuvre. La jurisprudence s’efforce de concilier créativité et protection.

  • Pour Le Petit Prince, la Cour de cassation a jugé que l’ajout de personnages nouveaux ne dénaturait pas l’esprit du livre. L’œuvre cinématographique restait fidèle à la philosophie de Saint-Exupéry.
  • En revanche, une mise en scène modifiant le final de l’opéra Dialogues des Carmélites a été jugée dénaturante par la cour d’appel de Paris. La Cour de cassation a cassé cet arrêt, soulignant la nécessité d’un « juste équilibre » : l’interdiction de diffuser la nouvelle version paraissait disproportionnée. Sur renvoi, la cour de Versailles a validé la mise en scène considérée comme fidèle aux thèmes centraux de l’opéra.

Ces décisions montrent une tendance : les juges examinent le contexte, le public visé et la portée de la transformation. Ils protègent la substance de l’œuvre mais laissent une marge à l’interprète. En pratique, l’adaptateur doit identifier les éléments « intangibles » (intrigue, message, dessin clé) et négocier leur éventuelle modification. L’auteur, de son côté, gagne à définir contractuellement ce qu’il considère comme l’essence de son œuvre. Cette anticipation évite le contentieux et favorise la circulation des créations.

Conclusion

Le droit de reproduction s’étend bien au-delà de la simple copie. Traduction non autorisée, remake improvisé ou remix numérique peuvent engager la responsabilité pénale et civile de leurs auteurs. Sécurisez donc chaque projet. Rédigez un contrat clair ; précisez si la cession inclut l’adaptation, la traduction ou la modification numérique. Enfin, tenez compte du droit moral : une adaptation réussie respecte l’esprit de l’œuvre première tout en ouvrant de nouvelles perspectives créatives.

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