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Faux avis en ligne : quand l’anonymat devient un piège juridique et commercial

par | 30 Avr 2025 | Concurrence déloyale, Nouvelles technologies

La Cour d’appel de Paris a rappelé, dans un arrêt du 14 mars 2025, qu’un article publié anonymement et truffé d’erreurs sur un concurrent constitue une « pratique commerciale trompeuse » et peut aussi être qualifié d’acte de concurrence déloyale. Une décision qui sonne comme un avertissement pour toutes les entreprises : manipuler l’e-réputation d’autrui n’est plus seulement un risque d’image, c’est un danger juridique majeur.

1. Des avis en ligne à double tranchant : pourquoi le faux peut coûter très cher

Qui n’a jamais consulté des blogs, comparateurs ou forums avant de choisir une formation, un hôtel ou un produit ? Sur internet, l’opinion des autres a souvent plus de poids que la publicité classique. Mais cette influence attise les dérives : entreprises ou particuliers publient parfois des contenus biaisés, voire complètement faux, pour orienter la décision du consommateur. Dans l’affaire jugée le 14 mars 2025, une société de formation au codage informatique a découvert un billet anonyme assurant qu’elle accueille un nombre démesuré d’élèves et n’enseigne pas les bons langages. Problème : tout était inexact… et le véritable auteur n’était autre qu’un concurrent direct, bien décidé à détourner la clientèle.

Pour le lecteur lambda, difficile de flairer la supercherie : l’article se présentait comme un conseil « neutre », un format qui rassure les internautes et améliore le référencement naturel du site émetteur. Résultat : les victimes subissent une érosion de confiance et des pertes commerciales immédiates. Quant au responsable, il croyait pouvoir se cacher derrière un WHOIS anonyme. L’arrêt montre que cette stratégie peut se retourner violemment contre son auteur : l’anonymat n’est pas une immunité, surtout lorsque l’AFNIC (le registre français des noms de domaine) permet, via une procédure contradictoire, d’identifier le titulaire du site. les utilisateurs n’est pas si étanche. En somme, un utilisateur de Facebook peut très bien être intéressé par un site de rencontres, et vice versa.


2. Pratique commerciale trompeuse : le cadre posé par l’article L. 121-2 du Code de la consommation

La Cour rappelle qu’une pratique commerciale est trompeuse lorsque, « d’une manière quelconque, y compris sa présentation, elle est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur moyen ». Deux critères ont été décisifs :

  1. Absence d’identification de l’auteur : le billet laissait croire qu’il provenait d’un utilisateur ou d’un observateur indépendant, alors qu’il émanait d’un concurrent direct.
  2. Informations matériellement fausses : nombres d’étudiants, langages enseignés, qualité de l’encadrement… Ces erreurs portaient sur des éléments essentiels de l’offre.

En combinant ces facteurs, la formation incriminée a pu démontrer que de potentiels clients avaient changé de choix sous l’influence du faux avis. La Cour a donc confirmé la qualification de pratique commerciale trompeuse, infraction punie d’emprisonnement et d’amendes administratives pouvant atteindre 3 % du chiffre d’affaires annuel mondial d’une entreprise.

Pour les sociétés actives en ligne, le message est limpide : tromper volontairement le consommateur ou cacher sa véritable identité dans un acte promotionnel n’est pas seulement contraire à l’éthique, c’est illégal. À l’heure où les influenceurs et les contenus sponsorisés prolifèrent, l’obligation de transparence devient un impératif : mention claire d’une intention publicitaire, véracité des données, et, surtout, identification de l’émetteur.


3. Concurrence déloyale et e-réputation : l’effet boomerang d’un détournement de clientèle

Au-delà de la contrefaçon, la société Meta invoquait également la concurrence déloyale, fondée sur l’article 1240 du Code ciLe tribunal de commerce de Paris avait d’abord écarté la concurrence déloyale, estimant qu’il n’existait pas de « parasitage » stricto sensu. La Cour d’appel a pris le contrepied : en se rendant anonyme pour décrédibiliser ses rivaux, la société fautive visait avant tout à capter leur public. Ce détournement frauduleux de clientèle porte atteinte au principe de loyauté qui régit les relations entre concurrents.

Pourquoi cette qualification est-elle importante ? Parce qu’elle ouvre la voie à des dommages-intérêts potentiellement élevés : perte de chiffre d’affaires, coût des actions de communication corrective, atteinte durable à la réputation… Les juges n’hésitent plus à condamner très sévèrement toute manœuvre nuisant à la confiance du public et altérant la visibilité numérique d’une entreprise.

Au-delà des sanctions financières, l’atteinte à l’e-réputation peut laisser des traces sur le long terme : comment effacer totalement un billet diffamatoire déjà indexé par Google ? Comment convaincre des prospects qu’une information virale était fausse ? La meilleure défense reste de pratiquer une veille permanente, d’activer le droit de réponse ou la notification de contenu illicite (LCEN), et, si besoin, de lancer rapidement une action en justice afin de limiter la propagation du préjudice.



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