Une simple erreur d’adresse peut coûter cher. Le RGPD impose en effet que chaque donnée personnelle soit exacte, complète et à jour. Faute de respect, votre entreprise s’expose à des contrôles de la CNIL, à de lourdes amendes administratives et, dans certains cas, à des poursuites pénales. Cet article explique, pas à pas, comment s’appliquent ces sanctions, pourquoi elles se multiplient en Europe et comment réduire votre exposition au risque.
1) L’exactitude : une obligation juridique, pas un vœu pieux
Le RGPD considère l’exactitude des données personnelles comme un principe fondamental, au même titre que la licéité, la transparence ou la sécurité. Cela signifie que les informations que vous traitez doivent être correctes, vérifiées et, si nécessaire, mises à jour. Une donnée fausse ou obsolète peut entraîner des conséquences concrètes pour la personne concernée. C’est pourquoi la loi impose au responsable du traitement de corriger ou d’effacer sans délai toute donnée inexacte.
En droit français, ce principe est renforcé par le Code pénal. Il ne sanctionne pas l’erreur de bonne foi, mais l’inaction. Autrement dit, ce n’est pas le fait de posséder une donnée incorrecte qui constitue une infraction, mais le refus de la corriger après en avoir été informé. Si une personne demande la rectification ou la suppression d’une information inexacte, et que le responsable du traitement n’agit pas, il s’expose à des sanctions lourdes. Une société peut être condamnée jusqu’à 300 000 euros d’amende, et son dirigeant à trois ans de prison.
Prenons un exemple concret. Un client règle sa dette bancaire et demande à être radié du fichier national des incidents de paiement (FICP). Si la banque refuse ou tarde à faire la mise à jour, elle ne viole pas seulement le RGPD, mais commet une infraction pénale. Le préjudice pour la personne est clair : son nom reste associé à un incident de crédit inexistant, ce qui peut bloquer l’accès à de nouveaux prêts ou à un logement.
2) CNIL et homologues européens : des amendes qui montent en flèche
La CNIL préfère l’arme administrative. Depuis quinze ans, elle sanctionne régulièrement les banques pour des inscriptions injustifiées ou trop anciennes au FICP.
-
2006 : 45 000 € pour un silence considéré de « mauvaise foi ».
-
2019 : 20 000 € contre un annuaire professionnel qui diffusait des données périmées.
-
2021 : rappel à l’ordre des ministères de l’Intérieur et des Affaires étrangères ; un bug de synchronisation créait des doublons dans le fichier Visas 2.
Les autres autorités suivent la même voie.
-
Espagne : 60 000 € contre un opérateur télécom pour un simple nom mal orthographié.
-
Italie : 100 000 € contre une région qui n’avait pas mis à jour le décès d’un patient.
-
Belgique : 30 000 € à l’Ordre des pharmaciens pour un statut disciplinaire erroné.
Le message est clair : négliger la qualité des données coûte de plus en plus cher, même pour une seule fiche.
3) Le juge administratif veille aussi au grain
Le Conseil d’État joue un double rôle dans la protection des données personnelles. D’un côté, il peut contrôler les décisions de la CNIL ; de l’autre, et surtout, il vérifie la légalité des textes réglementaires qui autorisent les traitements de données, en particulier les fichiers publics.
Il examine avec attention si ces décrets respectent le RGPD et les droits fondamentaux. Par exemple, il a validé le croisement entre le fichier des personnes signalées pour radicalisation (FSPRT) et celui des hospitalisations psychiatriques. Pourquoi ? Parce que le décret en question prévoyait expressément la mise à jour des données lorsque les soins prenaient fin. Cette obligation de mise à jour a été jugée suffisante pour garantir l’exactitude des données.
À l’inverse, le Conseil d’État a annulé un décret encadrant un fichier de gendarmerie. Le texte ne définissait pas clairement les finalités du traitement. Les données pouvaient être utilisées pour d’autres objectifs flous, sans garantie de mise à jour. Ce manque de précision, conjugué à un risque élevé d’inexactitude, a conduit le juge administratif à invalider le texte.
Même si ce contrôle concerne souvent l’État, les entreprises doivent s’en inspirer. Le Conseil d’État veille à ce qu’un texte autorisant un fichier contienne un mécanisme clair de rectification. Ce principe vaut aussi pour les traitements privés. Sans dispositif efficace pour corriger les erreurs, un traitement peut être jugé illégal. Dans le cas d’un fichier public, c’est tout le décret qui peut tomber. Pour une entreprise, cela peut signifier l’arrêt d’un service ou d’une base de données stratégique. D’où l’importance, pour les acteurs privés, d’intégrer une logique de rectification rapide et transparente, dès la conception de tout traitement.
4) Comment éviter la sanction : cinq réflexes simples
Commencez par décrire noir sur blanc la façon dont vous mettez vos bases à jour. Prévoyez des contrôles réguliers, vérifiez les adresses par e-mail et chassez les doublons sans attendre. Offrez ensuite un moyen simple de signaler une erreur : un bouton dans l’espace client, une adresse dédiée ou même un numéro vert. L’usager ne doit jamais chercher comment corriger ses données.
Renforcez la couche technique. Pseudonymisez les dossiers sensibles, attribuez des identifiants uniques et chiffrez chaque flux ; vous limitez ainsi les confusions. Avant toute nouvelle réutilisation, pesez le risque. Une erreur sur un dossier médical fait bien plus de dégâts qu’un code postal obsolète ; ajustez donc la fréquence de vos contrôles à la gravité potentielle.
N’oubliez pas l’humain. Des collaborateurs formés repèrent plus vite une anomalie qu’un algorithme livré à lui-même. En combinant documentation claire, procédures réactives, sécurité renforcée, analyse des risques et sensibilisation continue, vous prouvez votre conformité et réduisez d’autant l’impact financier ou réputationnel d’une sanction.
Deshoulières Avocats vous accompagne pour votre mise en conformité et vos litiges en données personnelles.
RESSOURCES :