La publicité d’alcool sur les réseaux sociaux séduit marques et créateurs de contenu, mais le cadre légal français demeure l’un des plus stricts au monde. Entre la loi Évin et les nouveaux textes sur l’influence, les collaborations doivent respecter des règles précises, sous peine de lourdes sanctions. Cet article décrypte l’essentiel – sans jamais remplacer l’avis personnalisé d’un avocat.
1) Publicité d’alcool sur les réseaux sociaux : un cadre légal renforcé
D’abord, rappelons que toute communication commerciale numérique constitue une « publicité » au sens du Code de la santé publique. En matière de publicité d’alcool sur les réseaux sociaux, seules les informations objectives listées par l’article L3323-2 sont autorisées : degré d’alcool, origine, composition, modalités de consommation ou de vente. Tout élément valorisant un style de vie, un événement festif ou une performance sportive reste prohibé. Les stories, reels, lives et podcasts sont donc soumis au même régime que l’affichage urbain.
Ensuite, l’intégration native du contenu ne change rien. L’autorité administrative et les tribunaux qualifient la publication au regard de son objet réel, non de son habillage. Cependant, le digital ajoute un paramètre inédit : l’usage massif d’outils de ciblage et de géofencing. Or, la publicité d’alcool ne doit jamais s’adresser spécifiquement aux mineurs ni apparaître dans des espaces majoritairement fréquentés par eux. Les plateformes proposent des filtres d’âge, encore faut-il les activer et conserver la preuve de ce paramétrage.
Enfin, la diffusion internationale exige vigilance : un message licite en France peut violer la réglementation d’un autre pays, inversement plus permissive ou plus stricte, et engager malgré tout la responsabilité de l’annonceur français.
2) La loi Évin, pilier historique et toujours incontournable
Ensuite, la loi Évin du 10 janvier 1991 établit le socle. Elle poursuit un objectif constitutionnel : la protection de la santé publique. Son dispositif repose sur deux leviers :
- la restriction du contenu publicitaire ;
- et l’encadrement des supports.
Concrètement, les réseaux sociaux n’entrent pas dans la liste des supports expressément interdits, mais la jurisprudence assimile un flux accessible en France à une diffusion en ligne. Donc, elle est autorisée seulement si le contenu respecte les critères stricts cités plus haut. La neutralité tonale est de mise : visuel sobre, absence de mise en avant du plaisir ou de la convivialité excessive.
Les mentions obligatoires – « L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération » – doivent rester lisibles et permanentes. Cependant, la loi Évin tolère une marge d’expression créative, dans les limites de la « simple évocation » des caractéristiques du produit.
L’Autorité de régulation professionnelle de la publicité décline ces principes dans sa Recommandation « Alcool », qui sert de boussole. Elle rappelle notamment que la mise en scène d’un cocktail n’autorise pas l’évocation de ses effets euphorisants. Chaque publication doit donc être relue en amont. A posteriori, une suppression ne fait pas disparaître le risque de sanction pénale ou de demande de réparation civile.
3) Influence commerciale : le nouvel encadrement de la loi 2023-451
Cependant, la montée en puissance des créateurs de contenu a conduit le législateur à adopter la loi n° 2023-451 du 9 juin 2023, dite « loi influenceurs ». Le texte définit l’« influence commerciale par voie électronique » et impose trois obligations clés :
- transparence,
- responsabilité,
- et contrat écrit.
Toute publicité d’alcool sur les réseaux sociaux portée par un influenceur doit être signalée de façon claire et lisible. L’hashtag #pub ou la mention « collaboration rémunérée » devient incontournable.
Le contrat conclu avec la marque doit rappeler la loi Évin, indiquer la durée de la campagne, les messages autorisés, les restrictions d’audience et la clause de retrait immédiat en cas de non-conformité. La loi renforce aussi la sanction. Jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 300 000 € d’amende pour les influenceurs ou annonceurs qui méconnaissent un encadrement sectoriel de santé publique. Les plateformes sont désormais tenues de coopérer. Elles peuvent suspendre un compte après injonction de la DGCCRF.
S’ajoute l’obligation de domiciliation en France ou dans l’EEE, faute de quoi un représentant légal doit être désigné. Cette formalité, souvent négligée, peut rendre nul le contrat d’influence et bloquer le paiement des contreparties.
4) Responsabilité des influenceurs et des marques : quels risques en cas de manquement ?
Enfin, les risques juridiques dépassent la simple amende administrative. Sur le fondement de la loi Évin et de la nouvelle loi 2023-451, un parquet peut poursuivre pour publicité illicite ou trompeuse. Les juges retiennent la coresponsabilité : la marque, l’agence et l’influenceur répondent solidairement. La jurisprudence récente montre un alourdissement des condamnations, intégrant le nombre d’abonnés et la viralité du contenu pour évaluer le trouble causé.
Au-delà du pénal, la concurrence peut invoquer un acte de parasitisme ou de concurrence déloyale. Des associations de santé publique n’hésitent plus à assigner devant le civil, réclamant le retrait sous astreinte et la publication judiciaire du jugement. Sur le terrain contractuel, l’annonceur peut exiger le remboursement du cachet, voire des dommages-intérêts si la non-conformité entraîne une rupture de partenariat ou une crise réputationnelle.
Pour limiter ces risques, la charte « Influence responsable » de l’ARPP préconise un audit préalable, la conservation des briefs et un archivage des stories pendant au moins un an. Le recours à un responsable juridique dédié devient un avantage concurrentiel : il sécurise les campagnes et rassure les partenaires financiers.
Conclusion
La publicité d’alcool sur les réseaux sociaux reste possible, mais dans un couloir très étroit marqué par la loi. Les marques et les créateurs doivent maîtriser le contenu, le ciblage et la transparence contractuelle. En cas de doute, mieux vaut adapter la campagne que de risquer une sanction pénale et l’atteinte durable à l’image de marque.
Deshoulières Avocats vous conseille et vous accompagne dans la mise en conformité de vos campagnes d’influence, la rédaction de vos contrats et la gestion des litiges liés à la publicité d’alcool.
RESSOURCES :
- Code de la santé publique, art. L3323-1 s.
- Loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux.
- ARPP, Charte « Influence responsable » et Recommandation « Alcool ».
- Deshoulières Avocats, « Marques de vins et spiritueux, indication géographique, et loi Évin«
- Deshoulières Avocats, « Marques : éviter les signes interdits ou contraires à l’ordre public«