Le placement de produit envahit désormais les vidéos YouTube. Depuis la directive 2018/1808, dite « SMA », l’Union européenne impose des règles simples : transparence pour les créateurs, protection des mineurs et pouvoir de sanction renforcé pour les autorités nationales. Découvrons, sans entrer dans la technicité réservée aux avocats, les grands repères à connaître avant de sponsoriser une vidéo.
Placement de produit et directive 2018/1808 : un cadre juridique renouvelé
D’abord, rappelons que la directive Services de médias audiovisuels SMA (révision de la directive « AVMS » 2010/13/UE) étend son champ aux plateformes de partage de vidéos telles que YouTube. Le texte définit le placement de produit comme toute mention d’un bien ou d’un service, insérée à titre promotionnel contre rémunération, à l’intérieur d’un programme ou d’une vidéo créée par un utilisateur. Le législateur européen a voulu combler un vide : en 2010, seuls les services de télévision traditionnelle étaient visés. Depuis 2018, les influenceurs et les plateformes partagent l’obligation d’informer clairement le public (art. 28b §3, directive 2018/1808).
Ensuite, la directive exige une signalisation explicite, « au début, à la reprise après interruption et à la fin ». Concrètement, YouTube permet l’ajout d’un cartouche « Contient une communication commerciale ». Le principe reste la transparence : le spectateur doit comprendre qu’il ne s’agit pas d’un message neutre. Cependant, le texte autorise certains placements implicites lorsque la mention est sans valeur économique ou imposée par le contexte narratif. Les États membres, dont la France, ont transposé ces règles dans le Code de la consommation et la loi audiovisuelle de 2021, confiant à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) le soin de surveiller le marché.
YouTube et responsabilité partagée : que doivent faire les créateurs ?
D’abord, tout créateur monétisant du contenu doit, avant publication, déclarer le placement de produit via le tableau de bord YouTube et informer son audience dans la description. Ensuite, il doit vérifier la licéité du contrat de sponsoring : pas d’incitation à la discrimination, pas de promotion de produits illicites. Cependant, la directive 2018/1808 frappe plus large : elle impose aux plateformes une diligence raisonnable pour retirer rapidement les contenus contraires.
Ainsi, YouTube dispose d’un signalement interne et d’outils de reconnaissance des marques. Enfin, en cas de manquement, la responsabilité est double. Le créateur s’expose à des amendes administratives prononcées par l’ARCOM, tandis que la plateforme risque une procédure de mise en conformité graduée (mise en demeure, puis pénalité pouvant atteindre 1 % du chiffre d’affaires mondial).
Notons que l’obligation d’étiquetage reste valable dès qu’il existe une valeur économique directe ou indirecte : cadeaux, voyages, remises ou simple prêt de matériel. Le texte ne fait pas de différence entre un méga-influenceur et un micro-youtubeur. C’est le consommateur qui compte.
Publicité cachée, alcool et produits sensibles : des garde-fous renforcés
D’abord, la directive SMA reprend les interdictions classiques : tabac, médicaments sur ordonnance ou armes. Cependant, l’Union insiste sur l’alcool. Le placement de produit pour boissons alcoolisées reste interdit dans les programmes ciblant les mineurs. Ensuite, un créateur doit veiller au moment de diffusion et à l’âge moyen de son audience : un tutoriel « cocktails » à 16 h, sans filtre d’âge, viole la directive.
Ensuite, la notion d’« influence excessive » apparaît. Le placement doit rester secondaire ; insérer la bouteille en gros plan pendant toute la vidéo est assimilé à une publicité. Enfin, la directive prévoit une clause de révision : la Commission peut restreindre d’autres catégories sensibles si les études d’impact montrent un risque pour la santé publique.
Contrôle, sanctions et articulation avec le DSA : la nouvelle donne
D’abord, la transposition française confère à l’ARCOM un pouvoir d’enquête numérique : collecte de preuves, demandes d’accès aux algorithmes de recommandation et astreintes journalières. Ensuite, depuis février 2024, le Digital Services Act (DSA) ajoute un second niveau européen. La Commission peut, en cas de risque systémique, imposer des audits ou ordonner des mesures correctrices à YouTube dans toute l’Union. Cependant, la directive 2018/1808 conserve son autonomie : elle vise la qualité éditoriale, tandis que le DSA cible le fonctionnement algorithmique.
Enfin, la coopération transfrontière se renforce : un créateur basé en Espagne mais diffusant en français relève de l’autorité espagnole pour la directive SMA, mais l’ARCOM peut déclencher une procédure de rendez-vous auprès de son homologue. L’objectif est d’éviter le forum shopping. Concrètement, un YouTubeur qui omet son signalement peut voir sa vidéo déréférencée partout en Europe en moins de 24 h.
Conclusion
La directive 2018/1808 impose trois réflexes simples : annoncer tout placement de produit, écarter les secteurs interdits et surveiller son audience mineure. Le régime s’inscrit désormais dans un maillage européen renforcé par le DSA. Avant de signer un contrat de sponsoring, il est prudent d’analyser la ligne éditoriale, le public visé et la durée d’affichage de la marque.
Deshoulières Avocats vous conseille et vous accompagne, que vous soyez créateur de contenu, agence ou annonceur, pour sécuriser vos placements de produit sur YouTube et vous conformer à la directive SMA.
RESSOURCES :
- Directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 modifiant la directive 2010/13/UE (AVMS) – eur-lex.europa.eu
- Commission européenne, « Directive AVMS – alcool & contenus » – eur-lex.europa.eu
- Commission européenne, « Digital Services Act – overview » – commission.europa.eu