Le prestige d’une marque de renommée attire autant qu’il expose. Dans la filière mode, l’essor du e-commerce et des réseaux sociaux a démultiplié les actes de contrefaçon mode. Comprendre les protections offertes par le droit français et européen devient donc indispensable pour préserver la valeur d’un signe et l’image d’une maison.
1) Comprendre la marque de renommée dans l’univers mode
D’abord, le Code de la propriété intellectuelle (CPI) définit la marque comme un signe servant à distinguer des produits ou services. Une marque de renommée va plus loin : elle est connue d’une partie significative du public concerné, en France ou dans l’Union européenne, pour les produits qu’elle désigne. Ensuite, cette notoriété offre une protection élargie.
Contrairement au principe traditionnel de spécialité – qui limite la défense au seul périmètre des produits identiques ou similaires – la marque de renommée rayonne hors de sa catégorie. Ainsi, un créateur de prêt-à-porter peut agir contre un usage non autorisé de son signe sur des parfums, des bijoux ou même des services numériques s’il établit que le public fait spontanément le lien entre le signe exploité et la griffe prestigieuse.
Cependant, la preuve de la renommée exige un faisceau d’indices : volumes de ventes, parts de marché, campagnes publicitaires, articles de presse, collaborations artistiques ou sondages démontrant la reconnaissance du public. Enfin, cette qualification se mesure à la date de l’atteinte ; elle peut donc évoluer, croître ou décliner, ce qui incite les maisons de mode à documenter régulièrement leur visibilité.
2) Contrefaçon mode : risques et enjeux pour les griffes
Ensuite, la contrefaçon dans la mode combine rapidité, ampleur et mondialisation. Le prix attractif des copies détourne la clientèle, fragilise l’aura d’exclusivité et pèse sur la stratégie omnicanale des marques. Par ailleurs, la qualité inférieure des faux porte atteinte à la réputation ; elle peut susciter des doutes sur l’authenticité même des circuits officiels. Le risque est amplifié par les influenceurs, les marketplaces et le drop shipping, qui brouillent les frontières territoriales.
Cependant, le danger n’est pas uniquement économique : il concerne aussi la dilution du caractère distinctif. Plus un signe prestigieux se banalise, moins il joue son rôle de repère de qualité et d’identité créative. Enfin, en cas d’imitation grossière ou d’usage sur des produits éloignés, l’image de mode haut de gamme peut être dévoyée vers des univers low-cost, augmentant le préjudice moral.
3) Les outils juridiques pour défendre une marque de renommée
D’abord, le CPI offre deux fondements.
- L’article L 713-2 s. prohibe la reproduction ou l’imitation d’une marque pour des produits identiques ou similaires ;
- L’article L 713-5 – issu de la transposition de la directive « paquet Marques » – complète la protection hors spécialité pour la marque de renommée. Il suffit de démontrer un préjudice au caractère distinctif ou de montrer que le contrefacteur tire un profit indu de la notoriété.
Ensuite, l’article L 711-1 s. rappelle les conditions d’accès au statut de marque ; toute griffe doit veiller à un dépôt clair et exhaustif, couvrant les classes pertinentes (vêtements, accessoires, services de vente en ligne, NFT, etc.). Au niveau européen, l’article 9 §2 c) du Règlement 2017/1001 sur la marque de l’Union européenne et les Trade-mark Guidelines de l’EUIPO précisent les critères pour agir contre une imitation, même sur des produits non similaires, lorsqu’elle profite indûment de la renommée ou lui porte préjudice.
Cependant, la procédure diffère selon que l’on privilégie l’action en contrefaçon devant le tribunal judiciaire spécialisé ou l’opposition / la nullité devant l’INPI ou l’EUIPO. Dans tous les cas, la saisie-contrefaçon reste l’arme probatoire majeure ; elle permet de constater les infractions avant toute disparition des preuves.
Enfin, une stratégie efficace associe actions pénales (pour saisir les douanes et démanteler les réseaux) et actions civiles (pour obtenir l’indemnisation, l’interdiction sous astreinte et la publication judiciaire).
4) Stratégies pratiques pour renforcer la protection
D’abord, auditer sa marque de renommée. Ensuite, surveiller le marché : notifications automatiques sur les places de marché, veilles image et mots-clés…
Cependant, l’efficacité de ces outils dépend d’une réaction rapide ; c’est pourquoi il faut établir en amont des lettres types de mise en demeure, prêtes à être envoyées dès la première alerte.
Enfin, anticiper la preuve : conserver les factures de campagnes, les métriques sociales, les chiffres d’influence. Plus le dossier est dense, plus l’action en contrefaçon mode est persuasive. Une communication cohérente autour de la marque – chartes d’utilisation, contrats d’endorsement, licences – contribue également à démontrer le sérieux de l’exploitation et la valeur de la réputation.
Conclusion
La marque de renommée confère aux maisons de mode une protection élargie, au-delà du principe de spécialité. Toutefois, cette arme juridique ne déploie toute son efficacité qu’accompagnée d’une veille constante, d’un dépôt adapté et d’une réaction rapide contre la contrefaçon mode. Pour toute stratégie sur mesure, faites-vous assister avant que la dilution ne menace votre capital créatif.
Deshoulières Avocats vous conseille et vous accompagne dans vos litiges en droit des marques et contrefaçon.
RESSOURCES :
- Légifrance – CPI art. L 711-1 s. (legifrance.gouv.fr)
- Légifrance – CPI art. L 713-2 s. (legifrance.gouv.fr)
- EUIPO – Trade-mark Guidelines PDF (guidelines.euipo.europa.eu)