Depuis mars 2024, la France renforce la protection des mineurs engagés dans l’esport. Autorisations préalables, suivi médical, gestion des gains : le cadre s’affine pour répondre à l’essor du secteur et aux attentes des familles comme des organisateurs. Voici un tour d’horizon des exigences à connaître avant de recruter ou de sponsoriser un jeune talent.
1. Le cadre général : de la pratique amateur à l’esport professionnel
D’abord, rappelons que l’esport relève désormais du droit du sport. La loi pour une République numérique (2016) a posé la première pierre. Le décret n° 2017-872 a, ensuite, précisé le contrat « joueur professionnel de jeux vidéo compétitif » et l’agrément obligatoire pour les structures qui l’emploient. Toutefois, le texte restait silencieux sur les mineurs.
Ensuite, la loi n° 2024-201 du 8 mars 2024 « visant à renforcer la protection des mineurs et l’honorabilité dans le sport » élargit sa portée aux compétitions électroniques. Le texte inscrit la prévention des violences et l’obligation d’encadrement médical dans le Code du sport, notamment via l’article L.212-9.
Concrètement, toute structure esport souhaitant licencier ou même faire jouer un mineur doit : disposer de l’agrément ministériel, justifier d’un référent intégrité formé, tenir un registre des antécédents judiciaires de ses encadrants et déclarer chaque compétition à l’autorité administrative.
Cependant, l’obligation scolaire demeure prioritaire ; les heures d’entraînement doivent rester compatibles avec la scolarité obligatoire. Les clubs passent donc d’une logique de performance pure à une logique de double projet : études et jeu. Enfin, l’autorité parentale conserve un rôle central : sans accord écrit des représentants légaux, aucune licence ni déplacement à l’étranger n’est possible.
2. Les conditions d’engagement des mineurs en 2024 : autorisations et encadrement
D’abord, le Code du travail encadre l’emploi des enfants dans les spectacles au moyen de l’article L 211-9. Toute participation rémunérée d’un mineur à un événement public – un tournoi retransmis, par exemple – exige une autorisation individuelle délivrée par la direction départementale compétente.
Ensuite, la loi 2024-201 impose trois verrous :
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Âge. Sous 12 ans, aucune compétition officielle n’est admise. De 12 à 15 ans, un avis médical spécialisé et le feu vert de l’inspection académique sont requis.
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Durée. Le temps de présence dans l’aire de jeu est limité à deux heures consécutives, six heures hebdomadaires, pour protéger la santé visuelle et le sommeil.
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Encadrement. Le club doit nommer un tuteur référent présent durant tout l’événement, responsable de la sécurité et du respect des pauses.
De plus, l’organisateur doit souscrire une assurance couvrant les accidents spécifiques (troubles musculo-squelettiques, stress aigü, cyber-harcèlement). Le non-respect entraîne la suspension de l’agrément, voire des sanctions pénales prévues à l’article L.212-13 du Code du sport récemment modifié.
Enfin, les plateformes de diffusion (Twitch, YouTube) s’alignent. Elles exigent désormais la preuve de l’autorisation pour activer la monétisation sur un compte mineur, sous peine de déréférencement automatique. Cet écosystème coordonné réduit les angles morts et sécurise l’image de marque des sponsors.
3. Protection de la santé et de la scolarité des joueurs mineurs
Avant tout, la loi 2024-201 érige l’honorabilité des encadrants en condition sine qua non. Le bulletin n° 2 du casier judiciaire est vérifié chaque année pour tous les coachs et managers.
Ensuite, un protocole médical annuel s’impose : examen ophtalmologique, bilan postural et test d’aptitude psychique. Les résultats sont communiqués au médecin référent du club et aux parents, garantissant un suivi continu.
Cependant, la santé mentale compte autant que la santé physique. Le texte invite les structures à mettre en place un programme de prévention des risques d’addiction ; à défaut, l’agrément peut être retiré. Les psychologues partenaires interviennent aussi lors des phases finales, quand la pression médiatique s’intensifie.
Parallèlement, l’équipe pédagogique de l’établissement scolaire reçoit un planning détaillé des déplacements. En cas d’épreuves pendant les heures de cours, le club finance un soutien scolaire. Cette logique de compensation s’inspire du modèle sportif traditionnel mais se distingue par un contrôle numérique : chaque absence est déclarée sur une plateforme partagée entre ministère des Sports et Éducation nationale.
Enfin, la fatigue numérique est surveillée par la fixation de plages de repos sans écran. Les clubs doivent aménager des zones de détente et imposer 30 minutes de pause toutes les deux heures de jeu. Les sponsors sont même encouragés à financer des séances de préparation physique pour prévenir les troubles musculo-squelettiques.
4. Gestion des gains et droits patrimoniaux : les pièges à éviter
Les prix remportés dans les tournois, les salaires et les revenus issus du streaming constituent des « biens acquis par le travail ». Ces biens échappent à la jouissance légale des parents, lesquels ne peuvent donc en profiter pour leur compte personnel.
Cependant, ils restent administrateurs légaux : ils perçoivent les sommes, les capitalisent au bénéfice exclusif de l’enfant et peuvent en affecter une partie à son entretien, si besoin. Dans la pratique, les clubs versent les gains sur un compte bancaire bloqué jusqu’à la majorité, sauf déblocage ponctuel autorisé par le juge des tutelles pour financer du matériel ou des voyages pédagogiques.
Par ailleurs, la fiscalité suit : les gains professionnels sont imposables dans la catégorie des traitements et salaires, avec l’abattement enfant mineur. Le club doit délivrer une fiche de paie mensuelle, même pour les cash-prizes.
Attention, aussi, aux contrats d’image. Le droit à l’image d’un mineur relève de l’autorité parentale ; toute cession nécessite l’accord des deux parents et doit mentionner la durée, le territoire et la rémunération. En cas de désaccord, le juge peut trancher pour préserver l’intérêt supérieur de l’enfant.
Enfin, la loi 2024-201 introduit une obligation de transparence Le club remet, chaque semestre, un relevé des sommes dues et versées, permettant aux parents de vérifier la bonne gestion et de préparer, avec leur conseil, la transmission à la majorité.
Conclusion
En 2024, la France offre enfin un ensemble cohérent de règles protectrices pour les joueurs mineurs : agrément renforcé, autorisation administrative, suivi sanitaire et sécurisation des gains. Pour un organisateur, ignorer ce cadre, c’est risquer la suspension d’événement et la responsabilité pénale. Un diagnostic juridique amont reste donc indispensable pour conjuguer passion du jeu et sérénité contractuelle.
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