Former un modèle d’intelligence artificielle implique presque toujours de collecter des données personnelles. Pourtant, le Règlement général sur la protection des données (RGPD) n’autorise ce traitement que s’il repose sur une base légale robuste. Comment choisir la bonne ? Panorama des règles et des bonnes pratiques pour sécuriser un projet d’entraînement d’IA.
L’entraînement des modèles d’IA est un traitement de données à part entière
L’intelligence artificielle moderne apprend en ingérant d’immenses corpus. Dès que ces corpus contiennent des informations permettant, directement ou non, d’identifier une personne physique, l’opération constitue un « traitement » au sens de l’article 4 du Règlement général sur la protection des données (RGPD).
Elle déclenche donc l’ensemble des obligations : détermination d’une finalité, respect des principes de minimisation, limitation des durées et garantie des droits des personnes. Le Comité européen de la protection des données (EDPB) insiste : même si les données sont scrapées (« scraper » désigne le fait d’extraire automatiquement, à l’aide d’un programme, des informations présentes sur des pages web avant de les stocker dans une base pour un usage ultérieur, comme l’entraînement d’un modèle d’IA) sur le Web, le responsable doit démontrer la licéité de chaque étape de l’entraînement. L’anonymisation n’exonère de rien tant que le risque de ré‑identification subsiste.
Identifier la base légale adéquate : un choix stratégique
L’article 6 §1 du RGPD offre six fondements. Pour l’entraînement d’un modèle, trois ressortent le plus souvent :
- le contrat, lorsqu’un service promet aux utilisateurs de personnaliser ses réponses grâce à leurs propres données ;
- l’obligation légale, plus rare, qui vise surtout les missions de service public et les fichiers de santé encadrés ;
- l’intérêt légitime de l’entreprise, solution fréquemment invoquée pour récolter de vastes jeux de données accessibles en ligne.
La CNIL rappelle néanmoins que l’intérêt légitime ne vaut que si le responsable prouve la nécessité du traitement et l’absence d’alternative moins intrusive. Un test de balance, documenté et mis à jour, devient incontournable.
Consentement ou intérêt légitime : arbitrer avec méthode
Le consentement semble intuitivement simple. En effet, il convient de demander l’accord de chaque personne avant de réutiliser ses contenus pour entraîner un algorithme.
Dans la pratique, sa collecte à grande échelle se révèle coûteuse, voire impossible lorsque les données proviennent de sources publiques multiples. L’EDPB n’écarte donc pas l’intérêt légitime, mais rappelle que ce fondement impose des garanties proportionnées. On compte notamment une information claire, possibilité d’opposition immédiate, mesures techniques pour réduire l’impact (pseudonymisation, durées de conservation courtes…). Le test de balance doit examiner la nature des données, la vraisemblance des attentes des personnes, et l’existence d’outils permettant de s’entraîner sur des données synthétiques. Seule une documentation solide permettra de résister au contrôle d’une autre autorité nationale.
Transparence, minimisation et documentation : clés d’une mise en conformité durable
Même avec une base légale correcte, le responsable doit encore prouver qu’il respecte les principes du RGPD tout au long de la vie du modèle. La transparence figure en première ligne : fiches d’information, mentions sur le site, et, pour les systèmes à usage général, divulgation des sources et des volumes de données.
La Commission européenne, dans son Q&A relatif à l’AI Act, souligne que ces exigences s’appliquent dès aujourd’hui à tout modèle mis sur le marché européen, indépendamment du niveau de risque. Documenter l’architecture, la sélection des données et les mesures de sécurité facilite aussi la réalisation d’une analyse d’impact et la réponse aux demandes d’effacement.
Enfin, la gouvernance interne doit prévoir la revue régulière des bases de données, la suppression des données inutiles et la limitation stricte des accès.
Conclusion
L’entraînement d’une IA repose sur un équilibre subtil : exploiter des données variées pour améliorer les performances, tout en protégeant les personnes concernées. Le choix de la base légale constitue la pierre angulaire de cette conformité. Définissez votre finalité, évaluez vos alternatives, puis documentez chaque étape. Vous réduirez vos risques juridiques et renforcerez la confiance des utilisateurs.
Deshoulières Avocats conseille et représente les entreprises innovantes dans la mise en conformité RGPD de leurs projets d’entraînement d’IA.
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