L’éco-score textile arrive dans les rayons et change le dialogue entre marques et consommateurs. Il traduit l’empreinte environnementale d’un vêtement en une note lisible, de A à E. Les entreprises de la mode doivent préparer un étiquetage environnemental obligatoire d’ici 2025, sous peine de sanctions et de perte de confiance. Anticiper aujourd’hui transforme une contrainte juridique en avantage compétitif.
1) Contexte européen : l’éco-score textile au cœur de la nouvelle stratégie
D’abord, il faut comprendre le paysage normatif qui encadre l’éco-score. La « EU Textile Strategy », publiée par la Commission européenne en mars 2022, vise un marché où les textiles durent plus longtemps, se réparent et se recyclent. Elle fixe trois priorités : prolonger la durée de vie des fibres, réduire les déchets et garantir une information fiable. Ensuite, la proposition « Green Claims » de 2023 oblige toute entreprise à fonder ses déclarations écologiques sur une méthode éprouvée ; les slogans vagues, tels que « eco-friendly », deviendront impossibles sans preuve mesurée.
Parallèlement, la France joue le rôle de laboratoire. La loi Climat et Résilience 2021 exige un affichage environnemental, en priorité pour la mode. Le décret n° 2022-748 en précise le cadre : produits concernés, modalités de calcul, sanctions. Depuis janvier 2023, un programme pilote piloté par l’ADEME teste plusieurs méthodes auprès de cent marques volontaires. Les retours confirment la robustesse de la PEF (« Product Environmental Footprint »), mais soulignent la nécessité d’intégrer des critères propres au secteur : micro-plastiques, durabilité des coutures, nombre de cycles de lavage.
Cette évolution dépasse la simple conformité. Les pouvoirs publics veulent orienter la demande vers les produits vertueux. Deux tee-shirts se concurrencent déjà par le style et le prix. Demain, ils se départageront aussi par la note environnementale. Une marque qui anticipe renforce son image, sécurise ses financements durables et gagne du terrain chez les distributeurs. Rester immobile expose à une note E polémique, synonyme de greenwashing sanctionné.
2) Champ d’application : quels produits et quels acteurs ?
Ensuite, précisons le périmètre. Le terme « textile » couvre l’habillement, le linge de maison, la maroquinerie souple, les accessoires et, parfois, la chaussure si les parties textiles dépassent 80 % du poids. L’obligation s’applique au produit fini, neuf ou reconditionné, proposé sur le marché français : une plateforme étrangère livrant un consommateur parisien doit respecter la règle.
Le détenteur de la marque, appelé « producteur » dans le décret, reste responsable, qu’il fabrique, sous-traite ou importe. Les groupes réalisant plus de cinquante millions d’euros de chiffre d’affaires devront afficher l’éco-score dès janvier 2025. Les PME profiteront d’un sursis technique de six mois pour finaliser leurs bases de données, mais devront déjà tenir le score à disposition de la Répression des fraudes.
La collecte d’informations commence très haut dans la chaîne d’approvisionnement. Le filateur indique l’origine de la fibre, les traitements chimiques, la teneur en recyclé. L’assembleur décrit la consommation d’énergie, la gestion de l’eau usée, le taux de rebut. L’importateur agrège ces données et modélise l’impact. Sans traçabilité numérique, le calcul devient impossible ; beaucoup adoptent la blockchain ou un logiciel partagé pour verrouiller les échanges et éviter la perte de documents.
Enfin, le plan de transition environnementale, exigé des grands groupes, doit décrire les actions prévues pour améliorer la note : substitution de matériaux, optimisation logistique, programme de réparation. Il sera publié sur le site de l’entreprise et mis à jour chaque année. La pression sociétale devient un moteur de progrès.
3) Modalités d’affichage : supports, formats et contenu attendu en 2025
Cependant, connaître l’obligation ne suffit pas : il faut l’exécuter. Le score doit apparaître partout où le produit est proposé à la vente : étiquette cousue, fiche produit en ligne, etc. L’arrêté graphique impose une lettre de A à E dans un carré arrondi, sur un dégradé de vert (A) à rouge (E). Sous la lettre figure la mention « éco-score ». À droite, un QR code renvoie vers la fiche de données en français et en anglais. L’information reste accessible cinq ans après la fin de la commercialisation pour permettre un contrôle tardif.
Le calcul suit la PEFCR « Apparel & Footwear ». Trois étapes structurent la démarche : collecte de données primaires, modélisation dans un logiciel certifié, agrégation des indicateurs. Les émissions de CO₂, la toxicité aquatique, l’épuisement des ressources, la durabilité et la fin de vie alimentent le modèle. Chaque indicateur reçoit un poids fixé par arrêté. Le résultat global est normalisé puis converti en lettre ; une note A correspond aux 10 % des produits les plus vertueux. Le score doit être recalculé tous les deux ans pour refléter les progrès techniques.
Une mise à jour s’impose dès qu’une modification significative intervient. Changer une teinture ou un bouton peut alourdir l’impact. Pour éviter un effet yo-yo, de nombreuses marques fixent un objectif de note dès le brief stylistique. L’affichage doit rester cohérent entre magasin physique et site web : un consommateur qui scanne le QR code en cabine ne doit pas découvrir une note différente en ligne. Un système de synchronisation dynamique, relié à l’ERP, garantit cette cohérence.
4) Sanctions et opportunités : concilier conformité, image de marque et propriété intellectuelle
Enfin, il faut mesurer les risques aussi bien que les gains. Le non-respect expose à trois niveaux de sanctions. D’abord, une amende administrative pouvant atteindre 15 000 € pour la personne morale. Ensuite, une sanction pénale pour publicité mensongère : jusqu’à 300 000 € et deux ans de prison pour le dirigeant. Enfin, la concurrence déloyale : un concurrent ou une association peut saisir le juge et obtenir réparation, voire un déréférencement en urgence. Les coûts indirects – logistique, retours, image – s’ajoutent à la facture financière ; réseaux sociaux et comparateurs diffusent l’information en quelques heures.
Pourtant, l’éco-score textile ouvre de réelles opportunités. Une note A ou B valorise la marque et justifie un prix premium. Elle attire les financeurs engagés et répond aux labels RSE. Côté propriété intellectuelle, plusieurs stratégies s’offrent aux entreprises. Elles peuvent déposer leur logo associé à la note comme marque figurative, empêchant la copie. Le pictogramme stylisé peut aussi être enregistré comme dessin ou modèle, protégé dix ans puis renouvelable jusqu’à vingt-cinq ans. Les brevets ne sont pas exclus : certaines start-ups protègent des fibres bas-carbone ou des procédés de traçabilité.
Le juriste joue alors un rôle clé. Il sécurise les contrats de fourniture de données, insère des clauses de garantie et met en place une procédure de vérification interne. Il rédige des chartes d’usage du score pour les partenaires, afin d’éviter les allégations hors périmètre. Il organise enfin une veille DGCCRF et concurrence ; une réaction rapide limite la dilution de la valeur du signe distinctif. Paradoxalement, la nouvelle obligation devient donc un bouclier : une entreprise dotée d’un score solide peut dénoncer les prétentions douteuses d’un rival et protéger la confiance du public.
Conclusion
L’éco-score textile sera obligatoire en France dès le 1ᵉʳ janvier 2025 pour les grandes entreprises, puis s’étendra rapidement à tout le secteur. Inscrit dans la stratégie européenne, il associe économie circulaire, étiquetage environnemental et protection du consommateur. Les marques doivent collecter des données fiables, choisir un vérificateur indépendant, afficher la note sur chaque support et protéger leurs droits immatériels. Agir dès maintenant évite la précipitation et transforme la contrainte en moteur d’innovation et de crédibilité. Le cadre précis pourra encore évoluer d’ici la publication des arrêtés finaux ; un suivi régulier des textes et l’appui d’un avocat spécialisé restent donc indispensables pour sécuriser votre feuille de route et maintenir la confiance de vos clients et partenaires.
Deshoulières Avocats vous conseille et vous accompagne dans la mise en place de votre éco-score textile, la sécurisation de vos données d’étiquetage environnemental et la protection de vos droits de propriété intellectuelle.
RESSOURCES :
- EU – Textile Strategy (environment.ec.europa.eu)
- DGCCRF – guide allégations (economie.gouv.fr)
- Green Claims proposal (environment.ec.europa.eu)
- Deshoulières Avocats, « CSRD : anticiper le reporting extra-financier des maisons de mode«