Le Digital Services Act influence la communication des marques… et des créateurs. Depuis février 2024, le Digital Services Act influence chaque étape des campagnes menées sur TikTok, Instagram ou YouTube. Le texte européen impose en effet de nouvelles obligations de transparence publicitaire et de gestion des risques qui concernent directement les influenceurs, les marques et surtout les plateformes. Comprendre ces règles est devenu indispensable pour sécuriser une collaboration et éviter des sanctions lourdes.
1. Le marketing d’influence dans le viseur du Digital Services Act
D’abord, le DSA modernise l’ancienne directive « e-commerce » et vise à « assainir l’écosystème en ligne » en s’attaquant aux contenus sponsorisés déguisés. Toute publication d’influence désormais qualifiée de « publicité » doit être clairement signalée. La plateforme et l’auteur doivent indiquer « de façon saillante » qu’il s’agit d’un contenu commercial et identifier l’annonceur. Le texte prohibe en outre les techniques d’interface susceptibles de tromper l’utilisateur (dark patterns).
Ensuite, il interdit la publicité personnalisée fondée sur le profilage des mineurs ; un point crucial quand on sait que 40 % des abonnés des créateurs français ont moins de 18 ans. L’influenceur, tout comme la plateforme, doit donc vérifier l’âge probable de son audience et exclure ces formats.
Cependant, le DSA reste un règlement « horizontal » : il instaure une irresponsabilité conditionnelle des hébergeurs, mais la contrepartie est la mise en place de process internes (signalement, retrait, recours) pour tous les fournisseurs de services intermédiaires, y compris les réseaux sociaux utilisés par les créateurs. Les marques doivent en tenir compte dans leurs briefs et contrats.
2. Transparence publicitaire : nouvelles obligations pour toutes les plateformes
Les articles 26 à 28 du DSA créent un socle commun. Chaque plateforme doit :
- afficher en temps réel la mention « publicité »,
- préciser l’identité du commanditaire (marque ou agence),
- fournir au public des informations essentielles sur les paramètres de ciblage.
Ces informations sont stockées au moins un an et mises à disposition des autorités. Les places de marché, souvent utilisées pour vendre les produits promus, doivent en outre informer les acheteurs si un article s’avère illicite et révéler l’identité du vendeur.
En France, la loi n° 2023-451 « influence commerciale » complète le dispositif : elle impose à l’influenceur la conclusion d’un contrat écrit avec la marque et le respect des règles en matière de propriété intellectuelle et de santé publique. Les pratiques françaises (hashtags #ad, #sponsorisé) subsistent, mais elles s’inscrivent désormais dans un cadre européen harmonisé.
Pratiquement, agences et annonceurs doivent revoir leurs chartes influence pour intégrer :
- le repérage de l’âge moyen de l’audience ;
- la conservation des preuves de signalement « publicité » ;
- la création d’un registre interne pour répondre aux demandes des régulateurs nationaux.
3. Focus sur les VLOP : un niveau d’exigence renforcé
TikTok, Instagram, YouTube, Facebook ou Snapchat sont désormais classés VLOP (Very Large Online Platforms) – plus de 45 millions d’utilisateurs actifs mensuels dans l’Union. Leur statut emporte des obligations supplémentaires qui impactent directement le marketing d’influence :
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Registre public des publicités : chaque spot d’influence doit être archivé, avec le reach estimé, la période de diffusion et les critères de ciblage. Les régulateurs et la société civile y accèdent via la « DSA Transparency Database ».
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Rapports de transparence semestriels détaillant le volume de contenus supprimés, les recours des créateurs et la part de modération automatisée.
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Évaluation annuelle des risques systémiques : désinformation, manipulation de l’opinion ou atteintes aux droits fondamentaux. L’utilisation d’influenceurs pour des campagnes politiques ou de santé publique doit être examinée et, si nécessaire, faire l’objet de mesures d’atténuation (limitations de viralité, labels contextuels, accès à des bibliothèques médias certifiées).
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Audit indépendant : contrôle de conformité, avec publication des conclusions. En cas de manquement, la Commission peut exiger des correctifs ou infliger des amendes allant jusqu’à 6 % du chiffre d’affaires mondial.
Pour les marques, la différence est concrète : une story sponsorisée publiée sur une VLOP devra être traçable dans le registre public. Les équipes marketing devront fournir à l’influenceur les mentions obligatoires et anticiper un possible examen par les autorités ou les associations de consommateurs.
4. Sanctions et gouvernance : quelles conséquences pour les marques et créateurs ?
Le DSA crée un coordinateur national des services numériques (en France, l’ARCOM) chargé des contrôles et d’une procédure de notification-retrait harmonisée. Toute personne – concurrent, ONG, consommateur – peut signaler une absence de mention « publicité ». Un créateur s’expose alors à :
- la suspension temporaire de son compte après plusieurs infractions répétées (politique « utilisations abusives » ;
- une amende administrative pouvant atteindre 4 % de son chiffre d’affaires annuel dans chaque État membre ;
- un déréférencement ou un déclassement algorithmique, particulièrement dissuasif pour la visibilité.
Les marques, de leur côté, encourent la co-responsabilité si elles ne peuvent démontrer qu’elles ont donné des instructions conformes. Les contrats d’influence doivent donc prévoir une clause DSA mentionnant : « Le créateur s’engage à respecter les exigences du règlement (UE) 2022/2065 relatives à la transparence publicitaire et à fournir sans délai les informations nécessaires au registre. »
Enfin, les créateurs mineurs ou ceux qui ciblent les enfants restent un point de vigilance majeur : la publicité personnalisée leur est interdite et les VLOP doivent proposer un fil non-personnalisé par défaut pour les 13-17 ans – un changement qui modifie la mesure du ROI des campagnes.
Conclusion
Le Digital Services Act influence profondément la pratique du marketing d’influence : transparence accrue, registres publics, audits, sanctions européennes. Pour les campagnes 2025, anticipez : cartographiez les formats, adaptez les contrats, sécurisez les mentions publicitaires et surveillez les registres VLOP.
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RESSOURCES :
- Commission européenne – « DSA : Impact for Business and Consumers » (digital-strategy.ec.europa.eu)
- Commission européenne – « The Digital Services Act : overview » (commission.europa.eu)
- Loi 2023-451 du 9 juin 2023 visant à encadrer l’influence commerciale (legifrance.gouv.fr)
- Règlement (UE) 2022/2065 dit Digital Services Act (JO L 277, 27 octobre 2022)