Le Digital product passport dans la mode arrive : l’Union européenne l’imposera bientôt à chaque article textile vendu. Les marques devront documenter la traçabilité du textile, garantir l’authenticité via la blockchain et, surtout, transformer leurs pratiques. Voici, en langage clair, ce qu’il faut retenir et comment s’y préparer.
1. Pourquoi un Digital product passport dans la mode ?
D’abord, la pression réglementaire s’intensifie. Le règlement européen « Ecodesign for Sustainable Products » (ESPR) prévoit, dès 2026, un passeport numérique obligatoire pour les textiles, avec une généralisation envisagée à l’horizon 2030. À travers un simple QR code ou une puce NFC, le consommateur obtiendra en un scan des données fiables sur l’origine, la composition et l’impact environnemental de son vêtement.
Selon une enquête Vogue Business de mai 2024, 53 % des clients luxe connaissent déjà ce futur passeport et en attendent un niveau d’information bien supérieur à la simple étiquette : authentification, instructions de réparation, valorisation en seconde main (voguebusiness.com).
Ensuite, l’objectif politique est double : accélérer l’économie circulaire et lutter contre le greenwashing. En exposant le parcours complet du produit – de la fibre au recyclage – l’UE veut inciter les marques à écoconcevoir et à prouver leurs allégations. Enfin, le DPP répond à un impératif business : conserver la confiance d’un consommateur de plus en plus exigeant sur la traçabilité textile et la durabilité.
2. Quelles informations le Digital product passport doit-il contenir ?
Ensuite, le contenu se précise au fil des réunions entre Bruxelles et les industriels. Le passeport numérique devra centraliser : description précise des matériaux (pourcentage, origine géographique), indicateurs d’impact (eau, carbone, produits chimiques), preuves de conformité sociale, instructions d’entretien, réparabilité et, le cas échéant, certificats d’authenticité. Les données devront être au format interoperable, accessibles gratuitement pour le consommateur et dans un espace sécurisé pour l’entreprise.
Cependant, la vraie difficulté se cache en amont : collecter les données fiables tout au long d’une chaîne d’approvisionnement souvent fragmentée. Les fournisseurs devront renseigner leurs propres modules, parfois en temps quasi réel. Le moindre maillon opaque peut bloquer la mise en ligne du produit. Les retards ou erreurs exposeront la marque à des sanctions, voire à un retrait du marché européen. Le Digital product passport dans la mode devient donc un levier de réorganisation interne : contractualisation de la collecte de données, audit des usines, choix d’un référentiel unique.
3. Blockchain : colonne vertébrale de la traçabilité du textile
Cependant, comment garantir l’intégrité de ces millions de données ? De plus en plus, les maisons recourent à la blockchain, véritable registre inviolable. L’exemple le plus parlant vient de l’Aura Blockchain Consortium, initiative pilotée par LVMH, Prada et Richemont : plus de 40 millions de produits luxe possèdent déjà une identité numérique inscrite sur une chaîne privée, prête à devenir leur DPP officiel.
La blockchain offre trois atouts : immutabilité (aucune donnée ne peut être altérée a posteriori), traçabilité instantanée (chaque étape est horodatée) et interopérabilité avec des services annexes : revente certifiée, assurance, fidélisation. Pour les PME, des solutions « Blockchain-as-a-Service » émergent, facturées à la transaction.
Néanmoins, la blockchain n’est pas obligatoire : l’UE exige surtout un système fiable. Les marques doivent comparer – coûts, vitesse, empreinte carbone – avant de s’engager. Quoi qu’il en soit, le choix technique doit rester transparent pour l’utilisateur final : un scan, des informations claires, une preuve d’authenticité instantanée.
4. Impacts juridiques et conseils pratiques pour les marques de mode
Enfin, quelles obligations concrètes ? Premièrement, mettre en conformité vos CGV et vos notices d’information : le passeport devient une annexe contractuelle. Deuxièmement, sécuriser la collecte des données sensibles (fournisseurs, formules chimiques). Le RGPD s’applique : tout traitement de données à caractère personnel (par exemple, géolocalisation d’un atelier familial) nécessite une base licite et une information claire. Troisièmement, anticiper la propriété intellectuelle : les données partagées constituent un actif précieux. Protégez vos algorithmes d’eco-design et vos bases de données par le droit sui generis.
Ensuite, la logistique magasin change. Vos vendeurs devront savoir expliquer le passeport, susciter le scan et gérer la mise à jour après réparation. Formez-les. Enfin, saisissez l’opportunité marketing : selon Vogue Business, la promesse « passeport digital + revente facilitée » séduit déjà une majorité de consommateurs premium. Mettez en avant la longévité du produit, la garantie étendue, voire un programme de reprise. Vous transformez une contrainte réglementaire en avantage compétitif.
Conclusion
Le digital product passport dans la mode n’est pas un gadget : il devient un standard législatif et commercial. Les marques qui investissent aujourd’hui dans la traçabilité du textile et la blockchain répondront demain aux exigences de l’UE tout en créant de nouveaux services (authentification, revente, réparation). Commencez par cartographier vos données, choisir une solution technique fiable et former vos équipes : vous passerez de la conformité à la différenciation.
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RESSOURCES :
- Vogue Business – « Consumers want more from digital product passports, new survey says » (voguebusiness.com)
- Règlement (UE) 2024/1781établissant un cadre pour la fixation d’exigences en matière d’écoconception pour des produits durables (ESPR)
- Projet CIRPASS-2 – Commission européenne (DG GROW)