Déposer une marque ne suffit pas : vous devez aussi la défendre activement. L’opposition devant l’Institut national de la Propriété intellectuelle permet de bloquer rapidement un dépôt postérieur qui pourrait semer la confusion ou diluer votre image. Comprendre les règles de recevabilité, les délais et la mécanique de la procédure vous offre un avantage décisif sur le plan stratégique.
1) Comprendre l’opposition et son utilité
D’abord, l’opposition constitue un recours administratif fondamental du droit de la propriété intellectuelle. Le titulaire d’un droit antérieur — marque enregistrée ou réputée connue, dénomination sociale, nom commercial, nom de domaine, indication géographique, voire nom d’une collectivité territoriale — saisit l’INPI afin d’obtenir le rejet total ou partiel d’une marque plus récente.
L’Institut compare alors les signes, apprécie les produits ou services et vérifie le risque de confusion ou, en présence d’une marque renommée, l’atteinte à sa réputation. Cette voie précontentieuse présente trois avantages majeurs :
- Elle est rapide,
- Peu coûteuse,
- Et purement écrite, donc accessible même aux PME.
Elle évite souvent une action judiciaire longue et onéreuse. Cependant, le succès de l’opposition suppose la réunion de conditions strictes ; un formalisme négligé suffit à la faire échouer.
2) Les conditions de recevabilité de l’opposition : délai, qualité et motivation
Ensuite, la recevabilité repose sur quatre piliers.
- Le délai, tout d’abord : vous devez former opposition dans les deux mois suivant la publication de la demande contestée au BOPI ; aucune prorogation n’est possible. Passé ce cap, il faudra engager une action en nullité, plus lourde.
- Vient la qualité à agir : seul le titulaire du droit antérieur ou son licencié exclusif — si le contrat le prévoit et qu’il figure au registre — disposent du droit d’opposition ; l’agent ou le représentant non autorisé peut aussi agir pour empêcher une marque d’agent.
- Troisièmement, l’acte d’opposition doit mentionner avec précision le signe invoqué et les produits ou services visés, sans se limiter aux numéros de classes ; l’INPI apprécie la spécialité sur la base de descriptions claires.
- Enfin, la motivation : depuis la transposition du « paquet marque », l’opposant peut d’abord déposer un dossier formel, payer la taxe, puis développer son argumentaire sous un mois supplémentaire ; il ne peut toutefois ni étendre la liste des produits ni ajouter de nouveaux droits.
Négliger l’une de ces étapes mène à l’irrecevabilité, que l’INPI prononce fréquemment et contre laquelle le recours est aléatoire.
3) Le déroulement de l’instruction lors de l’opposition : un ballet contradictoire
Cependant, une opposition recevable n’aboutit pas automatiquement. Après la notification, le déposant dispose de deux mois pour répondre et, le cas échéant, exiger la preuve d’usage sérieux si la marque antérieure a plus de cinq ans. À défaut de justifier l’usage ou un juste motif de non-usage, l’opposition tombe pour les produits non exploités.
Lorsque les échanges débutent, l’INPI encadre trois cycles de réplique d’un mois chacun ; il peut suspendre la procédure, à la demande conjointe des parties, pour favoriser une négociation amiable. L’examinateur veille strictement au contradictoire : chaque écrit est immédiatement notifié à l’autre partie.
Si l’affaire le justifie, les parties peuvent demander une audition, mais l’Institut limite ce face-à-face à l’éclairage de points précis. Une fois la phase écrite close, l’INPI statue dans les trois mois. Le silence vaut rejet, mais dans la pratique l’Institut motive toujours ses décisions, ce qui sécurise les recours.
4) Issue, recours et bonnes pratiques
Enfin, l’issue se décline en quatre scénarios.
- L’INPI peut rejeter la demande de marque en totalité, la restreindre à certains produits, rejeter l’opposition ou la déclarer sans objet (retrait ou accord). Le directeur motive sa décision en pesant la similitude des signes, la proximité des produits et, le cas échéant, le caractère distinctif accru du droit antérieur.
- En cas d’échec, l’opposant peut encore demander la nullité de la marque devant l’INPI ou le tribunal judiciaire.
- Inversement, le déposant débouté dispose d’un mois pour former recours devant la cour d’appel compétente. Pour maximiser vos chances, effectuez une surveillance systématique des publications, préparez votre dossier probatoire avant le dépôt, formulez des demandes de preuve d’usage lorsque c’est pertinent et, surtout, négociez dès le départ : la suspension officielle de quatre mois renouvelable deux fois ouvre souvent la voie à un compromis gagnant-gagnant.
Conclusion
L’opposition devant l’INPI se révèle un outil souple et puissant pour préserver la valeur d’une marque et éviter les conflits judiciaires. Respectez le délai, soignez la preuve d’usage et anticipez la stratégie de négociation : vous transformerez une formalité procédurale en véritable levier concurrentiel.
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RESSOURCES :
- Code de la propriété intellectuelle, articles L. 712-4 à L. 712-8.
- Décision INPI n° 2019-158 sur la procédure d’opposition.
- Directive (UE) 2015/2436 dite « paquet marque ».
- CJUE, 29 septembre 1998, affaire C-39/97, Canon.
- Deshoulières Avocats, « Opposition de marque à l’Inpi« .