L’univers du jeu vidéo fait voyager, mais il collecte aussi d’innombrables informations sur les joueurs. Dès qu’un pseudo, une adresse IP ou une session de chat remonte vers vos serveurs, vous devenez responsable de traitement au sens du RGPD. Découvrez les règles clés pour transformer cette contrainte en avantage concurrentiel et éviter les sanctions qui peuvent atteindre 4 % de votre chiffre d’affaires mondial.
Qualifier les données des joueurs : un préalable stratégique
D’abord, identifiez ce qui relève de la « donnée à caractère personnel ». Le RGPD (Règlement général sur la protection des données) vise toute information permettant, directement ou non, d’identifier une personne physique : adresse IP, identifiant de console, avatar vocal ou comportement in-game. Rappelons que la notion couvre également les traces techniques (logs, cookies, télémétrie) et s’applique dès qu’un responsable détermine finalité et moyens du traitement.
Pour un MMORPG (Massively Multiplayer Online Role-Playing Game, soit un jeu de rôle en ligne massivement multijoueur), la cartographie doit inclure le contenu généré par l’utilisateur, les données d’achats intégrés et les chats vocaux. Ensuite, distinguez les catégories spéciales :
- données de santé dans un serious game médical,
- opinions politiques dans un jeu de stratégie historique.
Enfin, vérifiez la sensibilité liée aux mineurs. Leur consentement n’est valable qu’avec l’autorisation parentale jusqu’à 15 ans en France.
Choisir une base légale et informer clairement les joueurs
Ensuite, fondez chaque traitement sur une base licite. Le consentement, souvent recueilli via une pop-up, doit être libre, spécifique et révocable ; il ne se présume jamais. L’intérêt légitime peut justifier la lutte contre la triche ou la modération des propos haineux, mais un test de balance s’impose.
Le contrat couvre la fourniture du jeu et la sauvegarde en cloud. Pour chaque finalité, fournissez aux joueurs un avis clair : identité du responsable, durée de conservation, droits d’accès, de rectification, d’opposition.
La CNIL, dans son flyer « Ne joue pas avec ta vie privée », recommande un langage visuel et des icônes adaptées au public gamer. Mettez aussi en avant le droit au déréférencement des classements si un joueur souhaite rester discret après une mauvaise performance.
Sécuriser les flux de données au sein et hors de l’Union
Cependant, l’information ne suffit pas ; la sécurité est impérative. Chiffrez le trafic entre client et serveur, segmentez les bases pour limiter le risque de vol. Le RGPD impose des mesures « appropriées » ; l’ENISA et la CNIL préconisent la double authentification pour les comptes administrateurs. Si vous transférez des logs vers les États-Unis, mettez en place des clauses contractuelles types et un test de niveau de protection équivalent, comme l’exige la CJUE.
Sur Twitch ou Discord, vérifiez la co-responsabilité : l’éditeur reste comptable de la collecte effectuée par un plug-in social.
Enfin, documentez chaque incident. Vous disposez de 72 heures pour notifier la CNIL d’une violation susceptible d’exposer des joueurs à un risque.
Anticiper le contrôle : DPIA, DPO et articulation avec le DSA
Enfin, structurez votre gouvernance. Un délégué à la protection des données (DPO) devient obligatoire si votre activité exige un suivi régulier et systématique à grande échelle, ce qui est fréquent pour les studios exploitant des jeux gratuits.
Conduisez une analyse d’impact (DPIA) dès que vous profilez les joueurs pour ajuster la difficulté ou personnaliser la publicité. Conservez la méthodologie : description précise, évaluation de la nécessité, appréciation du risque, mesures d’atténuation.
Depuis le 17 février 2024, le Digital Services Act impose, en parallèle, la transparence des algorithmes de recommandation pour les très grandes plateformes et renforce les obligations de retrait de contenus illicites.
Harmonisez vos procédures ; un rapport annuel de conformité peut démontrer votre diligence en cas de contrôle simultané CNIL-Commission européenne.
Conclusion
Le RGPD n’est pas un boss final ; c’est une mécanique de gameplay qui renforce la confiance des joueurs. Cartographiez vos données, choisissez la bonne base légale, sécurisez vos flux et pilotez la conformité avec des outils clairs. Vous gagnerez en réputation et réduirez le risque d’amende. Pensez à réviser votre politique au lancement de chaque mise à jour majeure.
Deshoulières Avocats vous conseille et vous accompagne dans la mise en conformité RGPD : audit flash, rédaction de politique de confidentialité, négociation de contrats de transfert international et défense lors d’enquêtes CNIL.
RESSOURCES :
- CNIL, « Jeux vidéo : protège ta vie privée », 2024.
- Commission européenne, « The impact of the Digital Services Act on digital platforms ».
- Règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 (RGPD).
- CJUE, arrêt C-311/18 « Schrems II », 16 juillet 2020.
- Deshoulières Avocats, « Consentement explicite : la clé RGPD pour traiter les données sensibles »