Organiser un tournoi esport exige bien davantage que d’allumer des ordinateurs : il faut maîtriser les licences d’exploitation, anticiper l’autorisation préfectorale et garantir la sécurité du public. Sans ces précautions, le risque juridique est réel : contrefaçon, amende, voire fermeture administrative. Lisez ces lignes pour transformer votre événement en réussite.
1) Vérifier les droits d’auteur et marques avant toute annonce
Organiser un tournoi esport sans licence claire revient à bâtir sur du sable. Le Code de la propriété intellectuelle réserve au titulaire tous les droits d’exploitation, y compris l’usage en public et la retransmission. Une simple licence utilisateur ne couvre pas un stream devant des centaines de spectateurs. Obtenez donc un contrat écrit, signé par l’éditeur du jeu. Ce document fixe la durée, le territoire et les canaux : salle, plateforme de streaming, réseaux sociaux. Intégrez-y une clause « best effort » sur les bugs : l’éditeur s’engage à fournir les correctifs indispensables. Sécurisez aussi les éléments musicaux et visuels intégrés. Les musiques du jeu relèvent des droits voisins et de la Sacem. Les logos des équipes sont protégés par le droit des marques : négociez un droit de reproduction limité à la promotion du tournoi.
Pensez enfin à l’image des joueurs. Un formulaire de cession de droits à titre gratuit, limité aux fins promotionnelles, suffit souvent. Joignez-le au règlement intérieur : vous disposez ainsi d’une preuve du consentement pour Youtube ou Twitch.
2) Obtenir l’autorisation préfectorale : quand et comment déclarer la manifestation
Dès qu’un public physique est attendu, la compétition devient une « manifestation » au sens de l’article L211-1 du Code de la sécurité intérieure. Vous devez donc déposer le formulaire Cerfa auprès de la préfecture au moins deux mois avant la date.
Indiquez le lieu, la jauge et le plan de secours. Ajoutez une attestation d’assurance responsabilité civile couvrant les participants et les spectateurs. Si le tournoi se déroule sur la voie publique – parade d’équipes dans la rue ou écrans géants en plein air – la préfecture peut imposer un arrêté temporaire de circulation. Pour un événement en ligne, la déclaration reste conseillée si un plateau reçoit du public.
Préparez aussi le dispositif sanitaire : issues de secours dégagées, extincteurs validés, équipe de premiers secours.
Enfin, tenez compte du pouvoir de police du maire. Certains horaires nocturnes nécessitent une autorisation municipale spécifique. Conserver une relation fluide avec la préfecture réduit les obstacles et rassure les sponsors.
3) Encadrer les dotations et l’inscription : le rôle de l’article L321-8 CSI
La dotation attire les joueurs, mais elle attire aussi le régulateur. L’article L321-8 du Code de la sécurité intérieure distingue l’esport d’un jeu d’argent : l’inscription payante reste permise si la somme recueillie n’excède pas les frais réels d’organisation. Au-delà, il faut recourir à un compte séquestre ou à une caution bancaire afin de garantir le paiement intégral des prix. Ignorez cette règle et votre tournoi devient une loterie illicite passible d’un an de prison et 45 000 € d’amende. Pour les mineurs de moins de seize ans, exigez l’autorisation parentale écrite.
Précisez la nature et la valeur des lots. Les gains en espèces sont imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux pour les joueurs indépendants, ou comme salaires lorsqu’ils appartiennent à une équipe professionnelle. Les montants supérieurs à 1 500 € doivent être déclarés à l’Urssaf si le joueur exerce une activité habituelle. Prévoyez dans le règlement une clause fiscale : elle rappelle à chaque participant son obligation déclarative.
Enfin, conservez les justificatifs de dotation pendant cinq ans : la direction générale des finances publiques peut contrôler les flux financiers d’un événement esport quand il génère un chiffre d’affaires conséquent.
4) Assurer la sécurité : responsabilités civile et pénale de l’organisateur
Le Code du sport, chapitre III, étend à l’esport les règles de sécurité applicables aux manifestations sportives. L’organisateur est tenu d’une obligation de moyens renforcée. Concrètement, il doit évaluer les risques liés au matériel : surtensions, câblage, chutes de projecteurs.
Prévenez aussi les risques psychiques : sessions prolongées, harcèlement vocal… Un plan de prévention affiché aux entrées détaille les procédures d’évacuation et les coordonnées du responsable sécurité. Une assurance responsabilité civile spécifique « manifestation esport » couvre les dommages corporels et matériels. La jurisprudence rappelle qu’un spectateur blessé par une chute de caméra obtient réparation même sans faute prouvée, la garde de la chose pesant sur l’organisateur.
Côté cybersécurité, verrouillez les patchs, anticipez les attaques, proposez un réseau séparé aux joueurs. Déclarez tout traitement de données biométriques – webcam, voix – à la CNIL si vous les utilisez à des fins de monétisation ou de publicité comportementale. Le non-respect de la RGPD peut entraîner une amende de 4 % du chiffre d’affaires mondial.
Enfin, nommez un directeur de tournoi habilité à suspendre la compétition. Cette décision prouve votre vigilance et limite votre responsabilité en cas d’incident grave.
Conclusion
Pour organiser un tournoi esport sans faux pas, commencez par une licence d’exploitation solide ; elle évite la contrefaçon et sécurise vos revenus de streaming. Ensuite, déclarez la manifestation en préfecture, démontrez votre dispositif de sécurité et respectez la réglementation sanitaire. Encadrez enfin les dotations : compte séquestre, autorisations parentales, obligations fiscales. En combinant ces démarches, vous protégez votre marque et fidélisez partenaires comme spectateurs.
Deshoulières Avocats vous conseille et vous accompagne pour organiser un tournoi esport conforme : négociation des licences, dialogue avec la préfecture, rédaction du règlement, gestion des incidents en temps réel.
RESSOURCES :
- Service-public : « Déclaration et demande d’autorisation de manifestations » (Cerfa 15824).
- Code de la sécurité intérieure, art. L321-8 à L321-11.
- Code du sport, chap. III, « Exploitation des manifestations sportives ».
- CNIL : Fiche jeux vidéo et données personnelles.
- Deshoulières Avocats, « Marques sportives : protéger l’aura des grands événements ».