La Mozilla Public License (MPL) conjugue partage du code et maîtrise de sa propriété intellectuelle. Souple, elle attire les entreprises qui veulent intégrer du code libre sans sacrifier leur avantage concurrentiel. Découvrez comment exploiter cette licence copyleft modéré pour développer vos projets en toute sécurité.
À qui s’adresse la MPL ?
Destinée à l’origine aux contributeurs du navigateur Netscape, la Mozilla Public License (MPL) séduit aujourd’hui un public professionnel varié. Les jeunes pousses y voient un moyen d’innover vite sans acquitter de redevances propriétaires. Les éditeurs confirmés l’apprécient, car elle permet de mutualiser la maintenance de briques techniques tout en conservant la propriété des couches métier. Les intégrateurs et ESN, quant à eux, gagnent en agilité : ils assemblent des composants hétérogènes et livrent plus tôt.
La MPL repose sur un copyleft partiel. En effet, seuls les fichiers modifiés ou dérivés doivent rester sous licence MPL, et les modules externes peuvent rester fermés. Conformément à l’article L.122-6 du Code de la propriété intellectuelle (CPI), la reproduction et l’adaptation d’un logiciel exigent le consentement de l’auteur ; la MPL l’accorde de façon anticipée, à condition de respecter ses clauses.
Toutefois, la licence n’est pas toujours appropriée lorsque la valeur principale repose sur les modifications même du code : un copyleft intégral, tel que la GNU GPL, peut alors offrir une meilleure protection communautaire. Avant de choisir, le dirigeant doit donc cartographier ses actifs logiciels, estimer la part qu’il accepte d’ouvrir et mesurer l’impact sur la valorisation de son entreprise.
Comment fonctionne la MPL ?
La Mozilla Public License déclenche ses obligations au seul moment où un fichier placé sous MPL est distribué à un tiers. Un usage interne, même sur un réseau étendu, n’oblige donc pas à publier le code. Lorsqu’il y a distribution, le licencié doit :
- conserver les notices de droit d’auteur,
- fournir la licence,
- et mettre à disposition le code source complet des fichiers modifiés sous la même Mozilla Public License. La mise à disposition peut se faire par un dépôt public ou un lien direct.
L’article L.131-3 CPI impose que la cession de droits soit expresse ; la licence y pourvoit en énumérant clairement les droits concédés. Elle accorde également une licence de brevet mondiale, gratuite et non exclusive, limitée à la version fournie par chaque contributeur : un atout majeur pour les secteurs intensifs en brevets.
Depuis 2012, la version 2.0 contient un mécanisme de compatibilité vers la GPL, la LGPL et l’AGPL lorsque l’incompatibilité juridique l’exige. En cas de manquement, la MPL prévoit une résiliation automatique trente jours après notification ; la conformité rétablit aussitôt les droits. Le tableau ci-dessous illustre la compatibilité avec les autres licences.
Source : Benjamin Jean, Option libre, Du bon usage des licences libres, Frambook, 2011.
Enfin, la sous-licence est permise : une société peut donc redistribuer le code à ses propres clients, pourvu qu’elle maintienne les obligations initiales. Cet équilibre encourage la coopération sans imposer un partage total.
Avantages et inconvénients de la Mozilla Public License
Le premier atout de la MPL tient à son copyleft limité. L’entreprise conserve ses modules stratégiques sous licence propriétaire, préservant ainsi son avantage concurrentiel. L’octroi coordonné de licences de brevets réduit aussi le risque de litige technologique, essentiel dans les domaines télécoms ou IoT. La clarté rédactionnelle, renforcée par une traduction officielle en français, facilite les audits d’investissement.
Cependant, la souplesse de la Mozilla Public License impose une discipline de gestion du code : il faut isoler précisément les fichiers MPL pour éviter toute contamination involontaire. De plus, la MPL ne comporte pas de clause « service réseau » ; un fournisseur SaaS peut donc améliorer le code sans publier ses modifications tant qu’il n’y a pas de distribution. Enfin, la résiliation automatique crée une zone de risque : un défaut de conformité peut suspendre brutalement les droits d’exploitation.
Une gouvernance open-source rigoureuse, adossée à une charte interne et à un suivi Git documenté, devient alors indispensable.
Mozilla Public License : comparatif éclairé avec d’autres licences
La GNU GPL impose un copyleft intégral : toute œuvre dérivée doit rester libre. Elle garantit la réciprocité, mais freine l’intégration de composants propriétaires. À l’opposé, l’Apache 2.0 autorise la ré-utilisation sous licence fermée et offre une concession de brevets similaire ; idéale pour diffuser massivement une bibliothèque sans contrainte de réciprocité.
Entre ces deux pôles, la MPL propose une voie médiane : seuls les fichiers modifiés demeurent sous MPL. La LGPL se rapproche de cette logique, mais elle raisonne en termes de « lien » dynamique ; modifier la bibliothèque déclenche le copyleft, la simple utilisation non. La MPL, fondée sur le fichier, s’avère plus lisible lorsqu’un empaquetage monolithique brouille la notion de lien.
Enfin, l’AGPL étend la GPL au service réseau : toute exploitation SaaS oblige à publier le code. La MPL n’impose pas cette contrainte, ce qui rassure les acteurs du cloud désirant garder confidentielle la couche d’intégration. En résumé, la MPL combine champ brevet protecteur, copyleft mesuré et clause de compatibilité. Elle sert les entreprises prêtes à collaborer sans se déposséder de leur innovation.
Conclusion
La Mozilla Public License offre un compromis robuste entre ouverture communautaire et contrôle stratégique. Elle permet d’accélérer l’innovation, de sécuriser la chaîne de valeur et d’attirer des contributeurs extérieurs. Pour l’utiliser sereinement, cadrez d’abord vos objectifs commerciaux, cartographiez vos dépendances et organisez un suivi de conformité continu. N’oubliez pas que la licence est un contrat : elle doit s’intégrer dans l’ensemble de vos accords salariés, sous-traitants et clients. Une politique interne claire, doublée d’une gouvernance Git rigoureuse, transformera la MPL en véritable moteur de croissance.
Deshoulières Avocats vous conseille et vous accompagne dans la sélection, la mise en œuvre et la sécurisation de vos licences open-source telles que la MPL.
RESSOURCES :
- Mozilla Public License 2.0, texte officiel.
- Code de la propriété intellectuelle, articles L.122-6 à L.122-7 et L.131-3. (licence logicielle).
- Deshoulières Avocats, « Licences libres et open source : quelle licence choisir ? ».
- Free Software Foundation, « GNU General Public License v3 ».