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Loi “influenceurs” : ce que change la loi du 9 juin 2023

La loi « influenceurs » du 9 juin 2023 rebat les cartes de l’encadrement de l’influence commerciale sur les réseaux sociaux. Désormais, créateurs de contenu, marques et agences doivent intégrer de nouvelles règles simples, mais contraignantes. Découvrons l’essentiel… avant, peut-être, de solliciter un professionnel du droit.

Loi “influenceurs” : ce que change la loi du 9 juin 2023

1) Un encadrement de l’influence commerciale désormais inscrit dans la loi

Le législateur a voulu combler un vide. Avant 2023, l’activité d’influence dépendait de normes éparses : droit de la consommation, publicité, propriété intellectuelle. La loi « influenceurs » (loi 2023-451) crée enfin un cadre autonome et lisible. Elle définit l’influence commerciale comme la promotion, par voie électronique, de biens, de services ou d’une cause contre un avantage financier ou en nature. Cette définition précise les acteurs visés : youtubeurs, tiktokeurs, mais aussi managers, plateformes et annonceurs.

Tout manquement devient désormais imputable à chacun, selon le rôle effectif joué. Le texte couvre l’ensemble du territoire français, mais il s’applique également aux influenceurs établis hors UE qui ciblent le public français. Une clause de compétence extraterritoriale pensée pour limiter les paradis numériques. Ce nouveau socle répond à une triple préoccupation : protéger les consommateurs mineurs, prévenir les dérives sanitaires (produits minceur, actes médicaux non autorisés) et renforcer la loyauté de la concurrence entre marques.

Les interdictions, d’abord, sont claires.

  • Sont prohibées les promotions de nicotine, de chirurgie esthétique hors cadre médical autorisé, ou encore d’animaux protégés.
  • Ensuite, le texte impose un affichage systématique de la mention “publicité” ou “collaboration commerciale” de manière lisible, au début de chaque contenu sponsorisé.
  • Enfin, en matière de propriété intellectuelle, le législateur rappelle que l’usage de marques et d’œuvres protégées reste soumis à autorisation : un placement de produit utilisant un logo sans licence valide constitue toujours une contrefaçon.

En d’autres termes, le nouveau cadre n’abroge pas les règles antérieures ; il les complète en ciblant l’économie de l’attention.

2) Des obligations renforcées pour les créateurs et les marques

La loi « influenceurs » introduit un contrat-type entre influenceur et annonceur. Les partenaires doivent formaliser par écrit l’objet, la rémunération et les droits d’exploitation des contenus. Sans écrit, l’opération est nulle. Cette exigence réduit l’opacité des partenariats et sécurise la titularité des droits d’auteur. Les clauses doivent notamment préciser qui, de la marque ou du créateur, peut réexploiter la vidéo, le visuel ou la musique associée. Pour la première fois, le législateur consacre donc la question de la propriété intellectuelle dans l’économie de l’influence, un sujet souvent négligé par les micro-influenceurs.

Les obligations ne pèsent pas seulement sur les créateurs. Les agences et les plateformes ont un devoir de vigilance. Une plateforme manque à son obligation de coopération si elle tarde à retirer un contenu manifestement illicite, notamment en cas de contrefaçon flagrante. En pratique, YouTube ou Instagram doit réagir “promptement” après notification. Le texte crée ainsi une responsabilité partagée dans l’encadrement de l’influence commerciale. De plus, l’influenceur qui s’adresse aux mineurs doit utiliser un langage approprié et signaler tout contenu potentiellement dangereux. La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) obtient des pouvoirs d’enquête renforcés, comme exiger le retrait immédiat d’une story sponsorisée jugée trompeuse.

Sur le terrain publicitaire, la loi impose l’usage de filtres de beauté “signalisés”. Toute modification corporelle par trucage doit être mentionnée : l’influenceur doit indiquer “image retouchée”. Cette mesure vise à lutter contre les faux idéaux esthétiques et la concurrence déloyale entre marques de cosmétique. Dans le même esprit, le créateur qui fait gagner des produits doit publier le règlement du jeu-concours. Enfin, les publicités en faveur de cryptomonnaies, de paris sportifs ou de placements financiers nécessitent l’agrément préalable d’une autorité de contrôle (AMF ou ANJ). Ces nouvelles règles, bien qu’exigeantes, professionnalisent la filière sans l’entraver, à condition d’anticiper la conformité contractuelle et la sécurisation des droits d’auteur.

3) L’impact sur la propriété intellectuelle des contenus partagés

Par ricochet, la loi « influenceurs » renforce les questions de droit d’auteur et de marques. Le créateur reste auteur original de ses vidéos, mais il cède souvent des droits d’exploitation à l’annonceur. Le contrat écrit doit lister chacun de ces droits : reproduction, représentation, adaptation, durée, territoires. Faute de précision, la cession est limitée à ce qui est nécessaire à la collaboration ; un flou qui peut dégénérer en litige. Un influenceur peut, par exemple, refuser qu’une marque réutilise son image dans une campagne hors réseaux sociaux si la cession initiale ne le prévoyait pas. Réciproquement, l’annonceur doit vérifier qu’aucune musique protégée sans licence n’est intégrée dans la vidéo, sous peine de voir sa campagne suspendue et de devoir indemniser la société de gestion collective concernée.

La question des marques est tout aussi centrale. Un influenceur qui compare plusieurs produits d’une même classe risque de porter atteinte à l’image d’une marque concurrente si les propos sont dénigrants. La responsabilité civile du créateur peut être engagée, mais aussi celle de la marque qui a commandité la vidéo. La loi anticipe ce scénario en exigeant une vigilance contractuelle : clause de non-dénigrement, validation des scripts, relecture juridique. De leur côté, les titulaires de marques disposent désormais d’un nouvel outil : la possibilité de saisir le juge pour ordonner le retrait rapide d’un contenu contrefaisant, même si le siège social du créateur est hors Europe, grâce à la clause de compétence territoriale étendue.

Le droit à l’image reçoit aussi une protection accrue. Si l’influenceur filme des tiers reconnaissables, il doit obtenir leur autorisation. La loi ne crée pas de régime spécial, mais elle rappelle la hiérarchie : vie privée, droit d’auteur, droit des marques. Le message principal est simple : l’encadrement de l’influence commerciale ne remplace pas les autres branches du droit, il les complète. Toute stratégie d’influence doit donc combiner conformité publicitaire, respect des droits de la personnalité et sécurisation des actifs immatériels. Sans cette approche holistique, la campagne la plus créative peut se transformer en cauchemar judiciaire.

4) Premiers bilans et perspectives de mise en œuvre

Un an après l’entrée en vigueur, les premiers retours sont contrastés. Selon Le Monde (bilan 2024), la certification ARPP a bondi de 400 à 800 influenceurs en six mois, signe d’une professionnalisation rapide. Pourtant, le journal souligne “du chemin à parcourir” : certaines stories continuent d’omettre la mention “publicité” ; d’autres présentent des produits minceur interdits. La DGCCRF a déjà prononcé plusieurs amendes, dont une de 50 000 € à l’encontre d’une influenceuse beauté pour tromperie. Mais l’effet psychologique est réel : la peur de la sanction incite les micro-créateurs à se former et à contractualiser.

Le rapport remis au Parlement en mars 2024 confirme cette tendance. Les litiges les plus fréquents concernent le droit d’auteur : utilisation d’un jingle connu sans licence, reprise de visuels protégés par Pinterest, diffusion d’extraits de séries Netflix. Les marques, elles, redoutent le “bad buzz” : une campagne non conforme peut nuire à leur réputation et engager leur responsabilité. Les plateformes collaborent plus étroitement avec la DGCCRF ; elles développent des outils d’auto-détection des hashtags non déclarés. Sur le plan européen, la France milite pour un règlement harmonisé afin d’éviter les flux d’influenceurs vers des États plus permissifs.

À court terme, deux défis se dessinent. Le premier est éducatif : beaucoup d’influenceurs ignorent encore la hiérarchie des normes. Ils pensent souvent qu’un partenariat “officieux” évite les règles, ce qui est faux. Le second défi est la preuve. Quand une story disparaît au bout de 24 heures, comment l’huissier la capture-t-il ? Les avocats développent des protocoles de preuve numérique (horodatage blockchain, constats vidéo). Ces innovations montrent que la loi « influenceurs » n’est pas un simple texte disciplinaire. Elle catalyse une évolution profonde du marketing d’influence et du droit de la propriété intellectuelle.

Conclusion

La loi « influenceurs » du 9 juin 2023 offre un encadrement de l’influence commerciale clair, protecteur et extraterritorial. Elle impose des contrats écrits, responsabilise les plateformes et renforce la vigilance sur les droits d’auteur et de marques. Pour les créateurs comme pour les annonceurs, l’enjeu devient stratégique : anticiper, rédiger et sécuriser, plutôt que subir un contentieux coûteux.

Deshoulières Avocats vous conseille et vous accompagne à chaque étape de vos campagnes d’influence : audit de conformité, rédaction de contrats, protection de vos marques et défense de vos contenus.

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