Comprendre la loi applicable au droit d’auteur s’avère essentiel pour éviter les surprises. En effet, les diffusions transfrontalières multiplient les règles à respecter : ce guide les détaille tout en expliquant les possibles correctifs (renvoi, exception d’ordre public, fraude à la loi) pour renforcer votre protection.
Qu’est-ce qu’un conflit de lois ?
Un conflit de lois naît quand plusieurs juridictions revendiquent compétence sur un même fait. En matière de droit d’auteur, cela concerne la loi qui gouverne la création, sa reproduction et sa diffusion. Cependant, le choix de cette loi n’a pas toujours été évident : autrefois, on confondait encore condition des étrangers et loi applicable.
Pourquoi ce choix importe-t-il ? D’abord, la bonne loi détermine vos droits patrimoniaux et moraux. Ensuite, elle fixe le cadre des sanctions en cas de contrefaçon. Enfin, elle guide vos contrats et autorisations de diffusion dans le cadre des diffusions transfrontalières.
L’évolution de la diffusion transfrontalière depuis l’arrêt « Rideau de fer » de 1959
En premier lieu, l’arrêt Fox‑Europa (1959) a posé un principe majeur : les auteurs non‑résidents jouissent en France de la loi française, sans considération du lieu de première publication. Néanmoins, l’essor du satellite et du numérique a relancé le débat. Le législateur français a choisi la théorie de l’émission dès 1985, confirmée par la directive européenne CabSat 1 de 1993.
Cela donne de nombreux impacts pratiques. Premièrement, ce choix simplifie la procédure : un seul texte s’applique. Ensuite, il offre une prévisibilité aux diffuseurs. Néanmoins, il peut soulever des questions d’équivalent de protection pour les auteurs étrangers.
Œuvre vs. support matériel : un rattachement distributif
D’abord, l’article L. 111‑3 du Code de la Propriété intellectuelle distingue la loi de l’œuvre immatérielle et celle du support corporel. Cette dualité s’applique notamment aux œuvres graphiques et plastiques, où le droit d’exposition se confond parfois avec le droit de propriété matérielle.
Pour une peinture importée, la loi du lieu d’acquisition régit la propriété corporelle ; mais la loi originelle de l’œuvre gouverne le droit d’auteur. Dès lors, la coexistence de ces deux lois peut créer des conflits sur l’étendue des droits cédés.
Diffusions transfrontalières et choix de loi
La lex loci protectionis désigne la loi du pays où se réalise l’acte de reproduction ou de communication. Pour la diffusion par satellite dans le cadre des diffusions transfrontalières, la théorie de l’émission rattache la diffusion à la loi du pays d’émission, évitant ainsi un fractionnement entre pays de réception.
La directive (UE) 2019/789 (CabSat 2) étend au principe du pays d’origine aux services en ligne accessoires. Ensuite, elle permet une autorisation unique pour l’ensemble des États membres, sous réserve du respect des exceptions contractuelles.
Focus sur les critères de rattachement
D’abord, le critère technique (injection du signal) désigne l’État compétent. Puis, le critère économique (siège social du diffuseur) offre un filet de sécurité contre la manipulation technique. Enfin, le critère subsidiaire assure la protection équivalente au droit français.
Mais il convient de faire attention aux possibles critères de rattachement : les correctifs interviennent pour garantir l’équité et protéger l’auteur.
- Le renvoi peut amener à appliquer la loi étrangère qui, à son tour, renvoie à la loi française. En outre, il évite un isolement juridique en cas de renvoi circulaire.
- L’exception d’ordre public international qui permet d’écarter toute loi étrangère contraire aux principes fondamentaux du droit français, notamment le droit moral inaliénable. Il convient de retenir qu’elle limite son intervention aux cas graves pour préserver la sécurité juridique.
- L’exception de fraude à la loi cible les montages contractuels visant à échapper à la loi normalement applicable : elle rétablit l’application de la loi véritablement destinée à gouverner l’opération.
Pour appliquer les correctifs, il convient de montrer la présence d’une clause de choix de loi abusive. Par la suite, il convient de démontrer la violation du principe d’ordre public ou le comportement frauduleux, puis de solliciter l’éviction de la loi étrangère devant les tribunaux français.
Quelques conseils pratiques pour sécuriser les contrats :
- Prévoyez une clause de choix de loi claire. Ensuite, incluez des clauses de renvoi et de non‑renvoi pour maîtriser le renvoi. Vérifiez la compatibilité avec l’ordre public français. Enfin, anticipez les services en ligne par une clause spécifique sur le pays d’origine.
- Pour les diffuseurs, il est recommandé de vérifier le niveau de protection offert par la loi d’émission. Il est également recommandé d’obtenir des licences multiterritoriales si nécessaire. Pour finir, conservez des preuves techniques de l’émission réelle.
Conclusion
En somme, le droit d’auteur international combine critères techniques et économiques pour déterminer la loi applicable. Cependant, les correctifs (renvoi, ordre public, fraude) restent indispensables pour assurer une protection effective. Conseil pratique : revoyez régulièrement vos contrats et licences transfrontalières pour anticiper les changements législatifs et jurisprudentiels.
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RESSOURCES :
- Code de la propriété intellectuelle, art. L. 111‑3, L. 122‑2 et L. 217‑1
- Directive (UE) 2019/789 (CabSat 2)
- Directive (UE) 2019/790 (DAMUN)
- J.-S. Bergé, La protection internationale et communautaire du droit d’auteur (LGDJ)
- M. Vivant et J.-M. Bruguière, Droit d’auteur et droits voisins (Dalloz)