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UberPOP : combien peuvent toucher les chauffeurs licenciés ?

par | 04 Juil 2015 | Droit du travail, Nouvelles technologies

Uber a annoncé la cessation de son service UberPOP ce vendredi 3 juillet. Des milliers des chauffeurs ont alors perdu leur emploi. Une telle rupture pourrait être qualifiée de licenciement économique, permettant aux chauffeurs de saisir les tribunaux pour licenciement abusif et exposant Uber à une amende de 37 millions d’euros.

1. Que dit le contrat de partenariat d’Uber ?

Uber conclut avec chacun de ses chauffeurs un contrat de partenariat. L’article 8.1 de ce contrat mentionne que « le contrat est automatiquement résilié sans préavis à tout moment si le Partenaire et/ou ses Conducteurs ne sont plus en mesure, en vertu de la loi applicable ou des normes de qualité d’Uber, de fourni le Service de conduite ou d’exploiter le Véhicule ».

Dans le cas présent, Uber n’étant plus en mesure de fournir le service UberPOP « en vertu de la loi applicable », les contrats avec les chauffeurs UberPOP ont été automatiquement résiliés. C’est sous cette apparente légalité qu’Uber a donc pu limoger 10.000 chauffeurs UberPOP en claquant des doigts.

2. Comment obtenir la requalification en contrat de travail ?

Le contrat de partenariat place les chauffeurs dans une relation de subordination vis-à-vis d’Uber, qui dispose à leur encontre d’un véritable pouvoir de direction, de contrôle et de sanction. Le chauffeur est en réalité placé dans la situation d’un salarié. Il ne dispose d’aucune autonomie dans son travail.

Recrutement de chauffeurs sur Pôle Emploi : Afin de recruter ses chauffeurs, Uber publie des annonces sur le site de Pôle Emploi. Le site Chauffeur-Uber.fr qualifie de « candidat » le chauffeur souhaitant entrer dans sa flotte, qui doit alors suivre plusieurs « formations » à l’issue de la période de recrutement.

Fixation des prix et de la rémunération des chauffeurs : La société américaine fixe uniformément le prix des courses et la rémunération reversée au chauffeur, comme elle l’indique clairement sur son blog. Uber pratique également un système uniforme de prime hebdomadaire, que le chauffeur perçoit s’il respect les consignes, mentionnées sur la plaquette « Devenir Partenaire avec Uber » : le chauffeur doit effectuer au minimum 55 courses par semaine, avoir obtenu une note utilisateur supérieure à 4,5/5 et avoir accepté plus de 80% des courses proposées par l’application Uber.

Fixation unilatérale des conditions de travail : Uber met à disposition des chauffeurs un smartphone leur permettant de prendre en charge la prestation de transport, qui demeure la propriété d’Uber pendant toute la durée du partenariat d’après le Guide du Partenaire VTC publié par Uber. Uber impose également à ses chauffeurs un nombre limitatif de modèles de voitures autorisées dans sa flotte. Si le chauffeur ne possède pas un véhicule conforme à ces normes, Uber met à sa disposition des voitures grâce à ses « tarifs préférentiels pour la location ou l’achat d’un véhicule approprié auprès de constructeurs et de loueurs ». Uber impose enfin une discipline de travail à ses chauffeurs qui doivent ouvrir les portes, mettre à disposition des bouteilles d’eau, tenir le véhicule propre, ne pas discuter au téléphone et rester discret.

Impossibilité de développer une clientèle propre : Uber interdit dans sa Charte à destination des chauffeurs de solliciter les clients sous peine de rupture immédiate du contrat.

Pouvoir de contrôle et de sanction : A chaque fin de course, le client doit noter le chauffeur en lui attribuant une note sur 5. Grâce à cette note, Uber dispose d’un pouvoir de sanction et n’hésite pas à en faire usage lorsqu’un chauffeur reçoit une note globale inférieure à 4,5.

Les chauffeurs n’ont ainsi aucune liberté dans l’organisation de leur travail ni aucune possibilité dans les faits de se comporter comme des chauffeurs indépendants. Ils ne sont donc ni maître des prix qu’ils pratiquent ni de la rémunération qu’ils perçoivent. Ils n’ont aucune possibilité de développer leur propre clientèle afin d’exercer l’activité de chauffeur indépendamment d’Uber. Ces nombreux indices d’un lien de subordination rendent très probable le fait que le contrat de partenariat Uber soit requalifié en contrat de travail si un tribunal était saisi de l’affaire.

Une telle requalification a d’ores et déjà été réalisée dans les cas suivants :

  • En Californie et en Floride, des chauffeurs ont eu gain de cause contre Uber en faisant requalifier leur contrat de partenariat Uber en contrat de travail ;
  • En France, des chauffeurs de taxis Bastille Taxis et de Taxis G7 placés dans une situation de subordination vis-à-vis de leur centrale ont également obtenu la requalification de leur contrat de partenariat en contrat de travail.

3. Quelles sanctions contre Uber ?

Les chauffeurs UberPOP pourraient agir devant les Conseils de prud’hommes compétents, afin de faire requalifier leur contrat de partenariat en contrat de travail. La rupture du contrat par Uber devrait alors être qualifiée de licenciement économique pour cessation d’activité.

Dans une telle hypothèse, Uber n’aurait alors respecté aucune des obligations légales imposées à l’employeur, telles que la consultation des représentants du personnel, l’intervention de l’administration, la notification des licenciements, la mise en place un plan de sauvegarde de l’emploi, la négociation avec les syndicats…

La violation de ces obligations entraîne trois principales conséquences :

  • Les chauffeurs pourraient agir à l’encontre d’Uber pour licenciement abusif afin d’obtenir des indemnités conséquentes, qui dépendent de la durée pendant laquelle ils ont été chauffeurs Uber et le montant de leur rémunération pendant cette période ;
  • Les chauffeurs pourraient également percevoir les indemnités chômage ;
  • Uber pourrait être condamné à payer à l’Etat français une amende de 3.750€ par chauffeur UberPOP licencié, soit potentiellement 37.500.000 € pour 10.000 chauffeurs UberPOP (article L. 1238-2 du Code du travail).
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